Arthur l’autre légende
Philip Reeve
traduction : Stéphane Carn
Gallimard collection Scripto
13.00 €
Les plus grands récits héroïques, les plus belles aventures cachent souvent une vérité beaucoup plus crue, difficile à assumer pour les conteurs. Philip Reeve a décidé de tailler un costume à la légende d’Arthur en épinglant toute la Table Ronde au passage.
Dans son dernier ouvrage (récompensé du prestigieux Prix Carnegie en Angleterre), Arthur l’autre légende, il s’amuse à réinventer l’histoire ou plutôt à la réécrire telle qu’elle aurait sans doute été à cette époque. Nous sommes donc au VIe siècle, en plein Bas Moyen-âge, une époque où règnent plutôt en maître la force brutale et la ruse que la dignité et la galanterie de chevaliers romantiques.
Pour son récit, Reeve crée le personnage de Wynna, une petite fille d’une dizaine d’année qui est la narratrice de notre histoire. Elle voit son village se faire dévaster par les troupes d’Arthur et devient l’assistante de Myrrdin, alias Merlin. On découvre alors avec elle toute la machinerie du vieux mage conteur. Ce dernier ne possède en fait aucune magie et tous ces tours ne sont que combines et tricheries. Il est juste là pour créer « la légende arthurienne » et il y parvient grâce à des tromperies grotesques qui mettent en dérision la mythologie traditionnelle. Déguisée en garçon, Wynna deviendra Wynn au gré de l’histoire et changera plusieurs fois pour ne pas être démasquée. De la Dame du Lac à Excalibur, ce sont toutes les légendes la Table Ronde qui tombent les unes après les autres.
Tout comme les romans de Kevin Crossley-Holland, il s’agit là d’une vraie adaptation de la légende arthurienne mais la plume de Philip Reeves est, il me semble, beaucoup plus drôle et ambitieuse. Le ton est percutant, drôle et ironique et c’est un vrai régal de redécouvrir ces histoires merveilleuses revisitées de la sorte.
Allez, un petit extrait pour vous donner envie :
Armé d'un couteau de chasse, la tunique maculée de graisse, Arthur découpait des morceaux de viande pour ses compagnons favoris et les leur distribuait avec force plaisanteries grivoises et éclats de rire avinés.
Je ne l'avais encore jamais vu sans son casque et sa cotte de mailles. En simple tunique, il était nettement plus difficile de le prendre pour un demi-dieu ! C'était un homme ordinaire, solidement charpenté, avec un cou de taureau et un visage plutôt empâté. Ses cheveux noirs, coupés courts, étaient plus clairsemés sur le devant et à la lueur du feu, on voyait la sueur perler sur la peau de son crâne. Il avait des petits yeux noirs, très enfoncés dans leurs orbites, qui posaient sur vous un regard vacant, presque somnolent – mais, l’instant d’après, ils pouvaient devenir rusés ou pensifs, ou alors se mettre à étinceler de joie comme ceux des enfants. Je les soupçonnais de pouvoir aussi lancer des éclairs, sous l'effet de la fureur. Un homme dangereux, me dis-je. Aussi dangereux qu'un ours...
Commentaires
Je viens de le finir. J'ai adoré cette version moderne de la légende arthurienne.
Moi aussi, j'ai trouvé ça très bien!