Le Sourire de Rose est l’histoire d’une rencontre, celle entre Desmond, jeune papa divorcé du petit Théo, en passe de rater sa vie, et Rose, une jolie fille qui ne peut s’empêcher de jouer avec le feu. Au contact de Rose, Desmond se sent renaître, mais le piment apporté dans sa vie par la jeune fille ne va pas s’avérer aussi digeste que cela, surtout lorsque son fils se retrouve en danger… On a déjà pu découvrir le trait souple et les très belles couleurs aquarelles du dessinateur suisse dans ses parutions à L’Employé du moi dont il est l’un des fondateurs (Bouture, Rubiah). On l’a lu également dans la série de Thomas Cadène, Les Autre Gens, ou encore dans son album La Fille de l’eau paru chez Dargaud. Ces récits touchants déploient un quotidien pâle qui soudain flirte avec l’étrange et acquiert ainsi une tout autre dimension. Le Sourire de Rose n’échappe pas à cette règle. Dans ce one-shot haletant, Sacha Goerg a su admirablement mêler la délicatesse du récit de vie à la tension inhérente d’un bon polar.
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Dans Iba, Pierre Maurel, à l’instar de Sacha Goerg, part d’une situation de vie banale. Élise, une jeune femme ordinaire ne parvient pas à assumer sa dernière rupture sentimentale. Cependant, ce chagrin d’amour n’est pas la seule raison de ses difficultés psychologiques. En effet, depuis l’enfance, elle vit en permanence accompagnée d’une fille blonde, Iba, qui va grandir avec elle. Rien ne serait vraiment anormal, si Iba n’était affublée d’inquiétants yeux vides et si Élise n’était pas la seule à pouvoir la voir… Tout comme Sacha Goerg, les lecteurs des livres de l’Employé du moi ont déjà eu le loisir de découvrir Pierre Maurel avec Michel ou 3 déclinaisons. Plus récemment, on a pu le lire dans la collection « Bayou » de Gallimard avec Post-Mortem, un inquiétant récit de survie post-apocalyptique où l’auteur français s’emparait des histoires de maladies et de mutations chères au cinéma horrifique pour les replacer dans un contexte plus intimiste. Dans Iba, Pierre Maurel s’empare également – avec succès – d’un sujet rebattu par les réalisateurs de films d’horreur, celui de la folie et de la possession. Il parvient en effet à instiller, en plus d’un suspense redoutable, un questionnement constant sur la santé mentale de la jeune fille. Son dessin en noir et blanc, qui n’est pas sans rappeler les meilleurs comics indépendants américains, contribue par sa simplicité à maintenir ce doute angoissant : est-ce réel ? Bref, Pierre Maurel nous livre ici un thriller fantastique tout en finesse, qui ne se prive pas de troubler son lecteur. Bousculer les habitudes de lecture des amateurs de bande dessinée, c’était sans doute un des objectifs premiers de la revue en ligne Professeur Cyclope. Gageons qu’avec la parution de ces deux premiers albums, la collection papier saura gagner un lectorat aussi curieux qu’exigeant !