LE BRUIT DES CHOSES QUI TOMBENT
Juan Gabriel VASQUEZ
Roman Seuil - 20€
Un coup de cœur passionné !
Livre onirique et historique sur l’esprit de cette ville qu’est Bogotá. Juan Gabriel Vasquez nous montre un pays en guerre contre lui même, ou les FARC ne sont qu’une progéniture de quelque chose d’ancien et de plus ténébreux.
Antonio Yammara traîne la nuit dans les bars à billards de la ville de Bogotá. Il rencontre, une nuit, Ricardo Laverde, un homme mystérieux qui refuse de parler de lui. Une amitié apparaît entre eux , jusqu’au jour ou Ricardo se fait tuer en pleine rue par des motards. Antonio est lui-même blessé. Il garde de cet événement des séquelles, qui vont bouleverser le bilan de sa vie. Les dépressions et les sautes d’humeurs qui vont suivre mettront en danger son couple. C’est deux ans après l’accident qu’il rencontre la concierge de Ricardo. Elle lui fait écouter une cassette audio, cassette qui changera la vie de notre héros…
Le scénario pourrait laisser place à une apologie de la vie et de la mort. Ce n’est pas le cas, puisqu’ici il s’agit d’un voyage dans l’histoire de la Colombie. L’auteur nous montre son pays, un pays où la guerre est urbaine et viscérale. Une richesse historique et sanglante, on nous parle de ces héros de l’état affrontant la corruption et la drogue qui sont tués de sang froid, de ces trafiquants de drogues qui rêvent d’argent pour sortir d’un calvaire sans fin, de ces avions remplis d’explosif servant à tuer des hauts dignitaires de l’état, de ces ministres tués par des adolescents à motos. On nous parle de Pablo Escobar, ce fou malade, richissime, roi d’un empire de cocaïne, ce “Citizen Kanien”, créant un zoo par pur plaisir, possédant des robinets en or, et des voitures d’Al Capone dans son garage. On nous parle de ce jeu, d’une génération touché et troublé, ce jeu représentatif de leurs jeunesses innocentes :
“Que faisais-tu lors du meurtre du ministre Lara Bonilla ? Tué en pleine rue par un adolescent sur une moto.”
“Chez moi, en plein devoir de chimie. et Toi ?”
“Hôpital. Appendicite.”
Pays meurtri et sanglant, on nous montre aussi, avec succès, la beauté inégalable que possède ce pays. Cette volonté qu’ont ces gens de vouloir sauver leur âme, par tous les moyens possibles. Risquant ce qui leur reste pour de beaux yeux. Pays de café, de chrétiens, de cocaïne, de ces balles que les tueurs bénissent pour qu’elles touchent leurs cibles, de ces enfants à peine majeurs qui tuent sans conscience, de ces FARC vivant cachés dans la forêt colombienne, de cette violence éternelle. Malgré ce carnage qu’est l’histoire de ce pays, l’auteur nous montre la beauté dans l’adversité, de ces enfants, désobéissants à leurs parents pour aller voir ce zoo, voir ces animaux qu’ils n’avaient jamais vus, appartenant à ce roi sans domaine, ce zoo remplissant leurs yeux d’étoiles et leurs sourires innocents d’une jeunesse volée et meurtrie d’une guerre qui n’est pas la leur.
critique à retrouver sur le blog de Fabien