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sébastien balidas

  • Bulles et Nacelle (Renaud Dillies) - chronique de Sébastien #10

    BullesNacelle_27062009_134321.jpgBulles et Nacelle

    Renaud Dillies

    Dargaud - 15.50€

    Dans le grenier d'une grande maison vivait Charlie, une souris solitaire qui tente de surmonter son angoisse de la page blanche pour faire avancer son roman? ou son essai? ses poèmes? ... et qui se plonge sans retenue dans les mélodies de Django Reinhardt dont il est fan résolu. Et si son art d'écrivain est en sommeil, il tente aussi de tromper sa solitude, car mis à part une girafe venant accrocher des guirlandes à sa fenêtre, il faut bien reconnaître que la journée de Charlie est bien pauvre de rencontres. Alors quand un petit oiseau nommé "Solitude" vient toquer au carreau précisement dans ses moments de cafard solitaire, Charlie ne sait plus s'il rêve ou si l'oiseau existe réellement. Il faut reconnaître que Charlie est un rêveur chevronné...

    Après un remarqué "Betty Blues" primé à Angoulême, Renaud Dillies développe avec "Bulles et Nacelle" un petit bijou de poésie et d'onirisme. Tour à tour réflexion sur les affres de la création artistique ou exploration des états d'âme d'un solitaire, l'auteur esquisse une captivante invitation à la rêverie, emprunte de simplicité et magnifiquement servie par un dessin dont certaines planches sont à couper le souffle (la double page du carnaval vous en convaincra).

  • Vision aveugle (Peter Watts) - chronique de Sébastien #09

    516RtAOb56L._SL160_AA115_.jpgVision aveugle

    Peter Watts

    Fleuve noir - 21€

    Pour son premier roman traduit, l'auteur de Science-Fiction canadien Peter Watts emmène ses lecteurs à bord du Thésée, vaisseau spatial en route vers la ceinture de Kuiper, à l'autre bout du système solaire, vers un étrange phénomène cosmologique. Cette expédition est une réponse à un évènement troublant intervenu dans l'atmosphère terrestre des années plus tôt laissant présager l'existence d'une vie extra-terrestre.

    A bord du Thésée, l'équipage est composé d'une linguiste aux personnalités multiples, d'un biologiste interfacé aux machines, d'un soldat physiquement renforcé, d'un commandant vampire dont l'espèce a été scientifiquement ressuscitée et aux liens quasi exclusifs avec l'Intelligence Artificielle qui pilote le vaisseau et enfin d'un synthétiste (le narrateur), rapporteur officiel de la mission auprès de la Terre, un homme aux capacités de recueil et de traitement de l'information exceptionnelles, résultat d'une opération neurologique remontant à l'enfance.

    En proposant des personnages complexes, tous ayant de gré ou de force renoncé à une part d'eux-même pour devenir des outils hautement spécialisés,  P. Watts anticipe une vision pessimiste d'une humanité hyper technologique au psychisme décortiqué. Si la première moitié du livre met en place un angoissant huis-clos, le rythme de la seconde s'accélère quand l'équipage part à la découverte de l'artefact extra-terrestre, dont l'exploration ouvre plus de pistes de réflexion quelle n'apporte de réponse. Roman exigeant, tendant vers le courant "hard science", Vision aveugle utilise la trame classique en SF du premier contact pour plonger le lecteur dans un méandre d'hypothèses passionnantes et pleines d'à-propos autour de thématiques telles que le développement de l'intelligence, l'utilité de la conscience à l'évolution des espèces et d'une dissociation entre intelligence et conscience ; cette exploration de concepts nourrissant toujours une réflexion centrée autour de l'Homme.

    Vision aveugle était attendu et il ne déçoit pas, voilà un roman qui saura répondre aux attentes des lecteurs en quête d'une science fiction qui ne se contente pas d'être distrayante.

  • Jolies Ténèbres (Vehlmann - Kerascoët) - chronique de Sébastien #08

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    Jolies ténèbres

    F.Vehlmann - Kerascoët

    Dupuis - 16€

    Ca commence comme un gentil conte, fleur bleue à souhait : deux petits personnages partagent un rendez vous romantique autour d'un chocolat chaud, du minaudage aux sourires gênés... Quand brusquement, le plafond fond, puis il dégouline carrément, c'est l'inondation !
    le couple vient alors grossir une foule de petits êtres fuyant ce qui s'avère être un corps mort, celui d'une fillette en décomposition perdue au fond des bois. le rose bonbon vire au rose chair putréfiée et tout ce petit monde va devoir survivre aux dangers de la forêt...

    Fabien Vehlmann construit un scénario désespéré qui emprunte à Lewis Carroll son sens du merveilleux et à William Golding la description d'une enfance sauvage, thêatre à la fois d'une certaine grâce et de cruauté froide. Car si la nature de ces petits êtres reste un mystère, l'état d'esprit général est à l'amusement, aux jeux (cruels de préférence), au froid détachement face aux drames et à une insouciance malsaine.
    le duo Kerascoët (Marie Pommepuy au dessin et Sébastien Cosset à la couleur) accentue encore ce malaise par des lignes simples et une gamme de couleurs pastels à la fois douces et crues, où le bucolisme n'est que façade.

    "Jolies ténèbres" est un conte aux accents macabres, une BD atypique et dérangeante, et au final de celles dont on se souviendra comme une franche réussite.

  • Quand je serai roi (Enrique Serna) - chronique de Sébastien #07

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    Quand je serai roi

    Enrique Serna

    Métailié - 18€

    Après son roman traduit en 2006 "la peur des bêtes" (chez point) qui se veut une féroce satire de l'Establishment littéraire mexicain mais aussi un roman noir dans les coulisses d'une police corrompue et violente, Enrique Serna, invité du salon du livre 2009 consacré au Mexique, nous revient avec "quand je serai roi" publié aux éditions Métailié.

    Jorge, dit "le Nopal", jeune garçon des rues de Mexico, coincé entre une mére expiant une passion charnelle destructrice et un futur beau père egoïste et apathique fuit une réalité sordide dans les vapeurs de colle et les embrouilles de sa bande ; quand un concours vantant les mérites des petits héros mexicains est organisé (visite au Saint Père et un million de pesos à la clé) et qui mettra en ébullition les quartiers pauvres de Mexico.

    Dans un style d'une ironie mordante, Enrique Serna met en scène une galerie de personnages savoureux : de la femme du peuple écrasée par sa culpabilité religieuse, au directeur de "Radio Familiale" organisatrice du concours, nouveau riche tape à l'oeil et cynique, en passant par l'intellectuel aigri s'étant lui même trahi. le propos de l'auteur brocarde l'hypocrisie bien pensante des élites, leurs renoncements et leur cynisme, sans verser dans le misérabilisme.

    A la fois noir et plein d'humour désabusé, l'auteur livre un texte sans concessions sur le Mexique d'aujourd'hui.

  • Jin (Motoka Murakami) - chronique de Sébastien #06

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    Jin (tome7)

    Motoka Murakami

    Tonkam - 9€

    Jin Minakata est un chirurgien du japon contemporain qui, au cours d'un opération neurochirurgicale, fait une étrange découverte : un foetus humain dans le cerveau d'un homme... Victime d'hallucinations et d'une perte de conscience, il se réveille plongé dans le Japon shogunal, soit près de 130 ans en arrière!

    D'abord sans repères, il sauvera dans l'urgence le fils de la puissante famille Tachibana, blessé dans une rixe. Cette famille deviendra ainsi sa protectrice. Gardant le mystère qu'il ne s'explique pas lui même de sa présence dans cette époque, Jin deviendra progressivement un médecin réputé en officiant sur les cas urgents qu'il ne manque pas de croiser dans sa découverte de sa nouvelle époque. A la fois idéaliste et persévérent, Jin n'a de cesse de dispenser ses connaissances médicales afin de remédier aux maux qui font alors des ravages dans la population japonaise. Il éveille la curiosité puis la méfiance et se confronte rapidement au dogmatisme des médecines pré-technologiques du Japon. Sa renommée surprenante l'amènera à rencontrer les personnages éminents qui feront l'histoire du pays et le fera entrer malgré lui dans le jeu d'intrigues politiques complexes de cette époque troublée.

    Developpé pour l'instant en 7 tomes en France (13 tomes au Japon, série en cours), Jin est d'abord un seinen (manga destiné aux jeunes adultes) médical et historique passionnant. Si l'aspect fantastique du début de la série paraît rapidement comme accessoire à l'histoire, c'est surtout la découverte très documentée d'une époque, de modes de vie, de moeurs et de l'histoire de la médecine moderne qui rend ce manga si remarquable. Jin est un seinen de haut niveau au dessin fin et réaliste qui comblera les lecteurs les plus exigeants.

     

  • Un Pays à l'Aube - chronique de Sébastien #05

    51LGnOtmG1L._SL500_AA240_.jpgUn Pays à l'Aube

    Dennis Lehane

    Rivages - 23 €

     

    Un Pays à l’aube est l’histoire de trois hommes, l’histoire d’une ville et l’histoire de la construction difficile de la société américaine des années 20.

    Trois hommes : Luther Lawrence, jeune homme noir échoué à Boston après un règlement de comptes lié au trafic de drogue, dans sa fuite il laisse derrière lui sa femme à des milliers de km ; Danny Coughlin : fils prometteur d’une famille de flics irlandais dont il fait la fierté ; et Babe Ruth, première véritable star du sport, à la fois idole jouant pour les Red Sox de Boston et homme-marchandise.

    Une ville, Boston : les destins se croisent au cœur de quartiers miséreux d’ouvriers d’immigrés italiens, irlandais ou d’Europe de l’est, de zones industrielles crasseuses, de salles enfumées et bars mal famés.

    Une Histoire : dans le Boston des années 1918-1919, sur fond de capitalisme sauvage et de terrorisme anarchiste, les idéaux communistes prennent de l’ampleur suite à l’exemple russe, les revendications sociales se font plus pressantes, les prémices d’une cause noire apparaissent.

    Dans ce climat délétère, une menace de plus se pose comme un acte ultime de rébellion, la police va se mettre en grève.

    Après un « Shutter Island » qui rompait avec la tradition bostonienne, Dennis Lehane nous fait retrouver ici le cadre de la ville du Massachusetts. Dans la description précise et documentée de ses quartiers et de ses habitants, l’auteur prouve une nouvelle fois tout l’attachement qu’il lui porte.

    Si le caractère psychologique des personnages est comme à l’habitude très fouillé chez Lehane, il cède le pas dans « Un Pays à l’Aube » à un souffle historique puissant : davantage qu’un croisement de destins individuels, c’est à la respiration bruyante et chaotique de Boston à laquelle on assiste.

    L’auteur privilégie la fresque sociale au thriller mais sans céder le moins du monde sur la noirceur du récit.

    "Un Pays à l’Aube" constitue un des sorties les plus intéressantes et consistantes de ce début d’année. Un grand roman à n’en pas douter.

  • Mémoire du vide - chronique de Sébastien #04

    memoire du vide.jpgMémoire du vide

    Marcello Fois

    Seuil - 18.50 €

    Au tournant du XIXéme et du XXéme siècle, la Sardaigne voit naître Samuele Stocchino, fils d’une famille de paysans pauvres et rudes comme cette île brûlée par le soleil de la Méditerranée. Alors que rien ne semble le différencier des jeunes sardes de son époque, sa mère le sait : son fils a le cœur du loup. Elle vivra dans la crainte, surtout depuis le jour où son mari marqua de son soulier le seuil de la porte des Boi pour un verre d’eau refusé. Les affronts se paient ici, et chèrement. Samuele grandira et connaîtra deux guerre, baïonnette au fusil il sera le meilleur, reviendra toujours pour Mariangela malgré les rumeurs qui le disent mort au front. Pendant ces absences, les dettes de sang décimeront sa famille. Samuele entrera en clandestinité et, semant la mort et le chaos, réglera ses comptes dans une rage vengeresse.

    Inspiré de faits véridiques, Marcello Fois romance la vie du plus célèbre bandit sarde, qui de simple paysan deviendra le mythe cauchemardesque de son époque. Mémoire du vide se lit comme une fresque âpre aux accents oniriques, une histoire d’hommes emportés par la fatalité.

     

  • Le sang des lions - chronique de Sébastien #02

    couv-sang-des-lions.jpgLe sang des lions

    Loïc Le Borgne
    15-20, Intervista - 14,90 €

    Les lions seraient-ils devenus si doux qu’ils viennent désormais vous manger dans la main ? Dans une Afrique futuriste, le génie génétique au service du tourisme de masse a réalisé cette prouesse. L’Afrikwana est désormais le nouvel eldorado des populations déshéritées d’Europe. Jef est l’un d’eux et travaille dans un de ces parcs d’un nouveau genre. Confronté aux brutalités, au racisme et au mépris, guidé par la rumeur de l’existence d’animaux revenus à l’état sauvage, Jef cherche au cœur de la savane et auprès des dernières tribus masaï ce qui pourrait être l’âme du continent noir…
    Loïc Le Borgne propose, en anticipant un renversement ironique de l’Histoire qui prend racine dans le contexte d’une Europe de plus en plus sourde à la détresse des plus pauvres, une vision cynique et sombre de la modernité. Cependant le personnage de Jef à travers son désir et sa quête d’un monde sauvage en sommeil guide l’espoir du lecteur.
    Le Sang des lions, en plus d’être un roman d’aventures palpitant, est d’une profonde actualité.