Quelques lectures italiennes
Blessures de guerre
Giulia Fazzi
Gallimard
9782070782536
20€
Blessures de guerre est l’histoire d’un combat perdu d’avance qui se ressent comme un cri. Dans une petite ville du nord de l’Italie, une jeune femme se retrouve aux prises avec la machine économique. Ouvrière dans une entreprise de textile familiale, elle entend bien faire respecter ses droits de travailleuse face à une direction bicéphale (un père et son fils) complètement sourde à ses revendications et qui plus est, brutale et cynique jusqu’à l’abject. Une lutte non seulement niée par les patrons mais rejetée par ses propres collègues.
Premier roman de Giulia Fazzi, ce roman coup de poing construit autour d’un évènement tragique et charnière, est une véritable réussite entre autres grâce à une écriture maîtrisée et une construction toute en tension. Un style dur et efficace qui laisse son entière place aux émotions et affects du personnage principal. A lire et à suivre !
Vénus privée
Scerbanenco Giorgio
10/18
(malheureusement épuisé)
Giorgio Scerbanenco est considéré comme le père du roman noir italien. Né à Kiev en 1911, il émigre en Italie après l’assassinat de son père par les bolcheviks et s’établit d’abord à Rome avec sa mère puis s’installera définitivement à Milan. Après des tonnes de petits boulots et des débuts dans le journalisme, il se tournera vers le roman dans les années 50.
Vénus privée est le premier volet des aventures de Duca Lamberti, ancien médecin radié de l’ordre pour euthanasie qui se trouvera une occupation de détective privée à sa sortie de prison. Dans cet opus originel Duca Lamberti va se voir confronter au monde de la prostitution de luxe par l’entremise d’un jeune homme alcoolique. Lamberti s’est vu charger de sevrer ce garçon à peine adulte par son riche père et ne voit qu’une solution pour résoudre sa dépendance, comprendre les raisons du suicide de sa petite amie. Roman noir, social , Vénus privée nous plonge dans un univers sinistre et glauque mais sans violence (une scène seulement en fin de roman). Doucement Scerbanenco dévoile l’horreur des pratiques mafieuses de ce commerce avec un style et une écriture mesurés et lucides.
Morts et remords
Mileschi Christophe
La fosse aux ours
9782912042750
14€
J’ai une faiblesse toute particulière pour ce livre ainsi que pour Le clown amoureux (chroniqué à la suite). Il est des livres quand on est libraire, que l’on rencontre grâce à une invitation d’auteur. En effet, en début d’année j’ai contacté Christophe Mileschi et Oreste Sacchelli (coauteur du Clown amoureux) afin d’organiser une rendez-vous littéraire au moment du festival de cinéma Les reflets du cinéma italien. Ils se sont déplacés et qu’ils en soient encore remerciés ici parce que s’il y avait peu de monde au débat nous avons pu passer un très agréable moment. Fin de la parenthèse, passons au livre.
Sentant la mort frappée à sa porte, Vittorio Alberto Tordo se retourne une dernière fois sur son passé. Ecrivain de renom il se désespère alors que la camarde elle ne se résigne pas, de n’avoir pas su révéler à ses contemporains la vraie cruauté de la nature humaine, message qu’il voulait faire passer dans ses écrits. Mais n’a-t-il pas lui-même brouillé les pistes en magnifiant et en participant à cette glorieuse passion destructrice qu’est la guerre. En vantant et louant les qualités d’hommes politiques qui ne se servaient que de ces penchants.
Tordo fait partie de cette génération d’écrivains et d’artistes italiens du début vingtième qui après avoir vantés les mérites de la première guerre mondiale, se sont également accommodés du régime fasciste. Morts et remords nous montre ce changement générationnel, le changement d’une époque, d’une culture.
Le clown amoureux
(L’œuvre cinématographique de Roberto Bénigni)
Mileschi Christophe & Sacchelli Oreste
La fosse aux ours
9782912042927
18€
Qui se cache derrière cette image de bouffon survoltée que nous donne à voir le pétillant Roberto Benigni dans le peu de films que l’on peut voir de ce côté-ci des Alpes ? C’est cette image stéréotypée que les auteurs vont au fur et à mesure battre en brèche. Ecrit à quatre mains cette monographie est constituée en deux parties. D’abord les fiches détaillées des neuf films réalisés par Benigni dans l’ordre chronologique qui révèlent peu à peu les motifs et les thèmes récurent de ce cinéaste hors normes. Dans une seconde partie la voix est donnée aux acteurs principaux, Benigni d’abord qui se dévoile et nous fait plonger dans sa genèse puis Vincenzo Cerami, le scénariste qui a donné sa rigueur au clown, explique son travail et sa collaboration, pour finir avec une interview de Nicoletta Braschi, la compagne et muse de Roberto Benigni. Le clown amoureux est un essai sur le cinéma qui se lit comme un roman, on plonge dans un univers moins rigolo qu’on ne le pense au premier degré tout en découvrant les thèmes de prédilection du réalisateur-acteur, la ville, l’autorité, les femmes et l’Amour.
Train 8017
Perissinotto Alessandro
La fosse aux ours
9782912042651
17€
A la fin de la seconde guerre mondiale, Adelmo Baudino est révoqué de son poste de policier du rail pour cause de collaboration. Accusé à tort, il vit seul avec sa mère dans une maison en ruine tout en travaillant sur des petits chantiers. C’est en lisant les faits divers dans un journal qu’il croit avoir trouvé la solution à son renvoi. C’est en cherchant la personne qui voudra l’innocenter qu’il va reprendre du service. Une série de crimes frappent essentillement des cheminots. Devant la passivité de la police, il va lui-même relier ces affaires et replonger dans les horreurs de la guerre. Un très bon roman policier qui nous plonge dans l’Italie d’après-guerre dans ses antagonismes et sa troublante mémoire du passé récent.
A lire également de Perissinotto, A mon juge aux éditions Gallimard, Prix Grinzane Cavour 2005.