Vincent Cuvellier, écrivain & Co.
Une bande dessinée (sa première pour les grands), un album poétique sur la paternité, un nouvel épisode de l’impertinent Emile, la réimpression de son documentaire sur les présidents de la république, un récit autobiographique décalé sur le statut de l’écrivain… Et puis l’ouverture à Bruxelles d’une bouquinerie Les Gros Mots… Le printemps sera particulièrement dense pour l’écrivain Vincent Cuvellier. L’occasion pour nous de faire un point avec lui sur son actualité.
Bonjour Vincent, vous publiez plusieurs ouvrages simultanément et une impression se dégage fortement de ces publications. Vous êtes, en tant qu’écrivain bien sûr, mais surtout en tant que personne, extrêmement concerné par les sujets que vous traitez (la paternité, l’écriture, la vie d’écrivain). Parlez-nous de votre projet Je ne suis pas un auteur jeunesse ? Pourquoi l’écrire maintenant ? Quel message voulez-vous porter avec ce récit ?
VC : Bonjour, ça fait longtemps que j’avais envie de parler de mon métier… l’écriture, c’est mon truc depuis que je suis tout petit, depuis que j’ai 17 ans je me faufile là-dedans, avec des hauts et des bas… j’avais envie d’en parler à ma manière, simplement, avec pragmatisme, mais aussi en râlant contre quelques trucs que je n’aime pas…
Avez-vous vu la situation d’écrivain changer depuis ce temps ? Etes-vous inquiet ou optimiste pour les années à venir ?
VC : Je pense qu’il n’y a jamais eu autant de gens qui écrivent, et qu’un écrivain lambda n’a jamais été aussi mal payé… je pense qu’il devrait y avoir moins de livres publiés mais que ceux-ci soient mieux valorisés.
Quel rôle dans votre livre jouent les personnages de Claude François, le Général de Gaulle ou Lino Ventura ?
VC : Ils apportent un peu de recul… ils me disent quand je déconne, quand j’exagère, quand je m’énerve… ce sont mes amis imaginaires, quoi !
Vous publiez également Mon fils qui est un long texte poème autour de la relation père-fils. D’où vous est venue cette envie et comment s’est déroulé le travail avec l’illustratrice Delphine Perret ?
VC : Pour moi, ce livre, c’est la suite de « la première fois que je suis née »… je l’ai fait pareil, dans la même énergie… j’ai demandé à Delphine Perret, parce que c’est une des rares illustratrices qui n’a pas besoin d’auteurs : elle le fait très bien elle-même… du coup, quand elle illustre le texte d’un autre, c’est vraiment parce qu’elle veut le faire… on a travaillé comme je le fais toujours avec les illustrateurs : on discute bien du projet en amont, pour être sûr qu’on fait bien le même livre, et après, je laisse faire, n’intervenant que si besoin…
Vous avez conscience que c’est finalement assez rare cette relation auteur-illustrateur dans l’édition jeunesse ? Le travail que Delphine Perret a effectué sur votre texte est admirable de simplicité et de puissance. Comment l’avez-vous perçu ?
VC : Ah mais pour moi, c’est tout à fait normal, c’est quelque chose que je défends depuis mes débuts… travailler avec un illustrateur et un éditeur, ça fait partie de mon job, autant que l’écriture elle-même… je fais des livres, en entier, pas qu’un texte. Et Delphine, je lui ai demandé d’illustrer mon texte, justement pour sa simplicité et sa sensibilité. Et puis, c’est une illustratrice qui écrit ses propres textes, si elle illustre d’autres textes, c’est qu’elle en a vraiment envie, qu’elle a un truc à dire avec.
Vous publiez également un nouvel épisode de la série Emile : Emile fait l’enterrement.
Comme toujours, le personnage est à la fois sans concession, impertinent et en même temps terriblement touchant. Etes-vous fier de la manière dont la série se développe et où vous l’emmenez histoire après histoire ? On a le sentiment que vous ne vous interdisez rien par rapport aux thèmes abordés.
VC : Oui, pourquoi je m’interdirais des choses ? et c’est aussi parce que avec l’illustrateur et l’éditrice, nous sommes sur la même longueur d’ondes… Emile n’est pas tout à fait un personnage comme les autres… quand j’écris ses histoires, je dois me mettre à la fois dans un cadre de narration très strict, et dans une liberté très large… Emile, c’est un concentré de plein de choses de moi, de ma vie, de ma manière de voir plein de trucs… c’est un espace de liberté, j’en profite…
C’est du coup assez jouissif pour les lecteurs que nous sommes de profiter également de cette liberté. Pourquoi d’après vous est-ce si rare ?
VC : Ah pour plein de raisons… sans doute un certain conformisme… la liberté, c’est pas un truc qu’on obtient tout de suite, faut aller la chercher avec les dents… c’est aussi mon critère de choix numéro un pour choisir mes éditeurs…
Enfin, on ne pouvait pas ne pas parler de l’ouverture de votre bouquinerie à Bruxelles, votre ville d’adoption. Elle s’appelle LES GROS MOTS (cela vous va bien je trouve). Dites-nous ce que nous pourrons y trouver ?
VC : C’est une boutique et c’est aussi mon bureau : il y a des vieux livres, des plus récents, des jouets, des affiches, des dessins, mais que des trucs que j’aime bien… ça ressemble un peu à chez moi, mais un chez moi où on peut rentrer et acheter les trucs… l’autre jour, j’ai entendu des jeunes femmes qui sortaient en disant « ohlala, qu’est-ce que c’est mignon ! » C’est cool !