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Frangine (Marion Brunet) - chronique de Camille #02
FRANGINE
Marion BRUNET
Sarbacane, 14€90« Je ne suis pas le héros, mais je suis
Le bavardage et la digression
L'oreille et les mots pour essayer de dire ce qui est à entendre, ce qui est à l'envi :
Les désenchantements et les éclats de bruit
En ces temps peu lointains où Pauline découvrait
Le monde
Le cruel
Le normal
et la guerre,
ma mère et ma mère, chacune pour soi mais ensemble, vivaient de leur côté des heures délicates.
C'est à moi qu'il revient de conter nos quatre chemins. Parce que j'aime ça, d'abord, dérouler les histoires comme on crée un langage ; et aussi pour que les choses soient claires, évidemment.
Comment comprendre, sinon ? »Pauline et Joachim sont deux adolescents qui vivent avec leurs mères et mènent une existence
relativement tranquille. Joachim est amoureux de Blandine et entame sa terminale, tandis que
Pauline va entrer au lycée. La particularité de leur famille n'a jamais été un problème, jusqu'à ce que
la discrète Pauline soit victime de harcèlement et perde pied.
Frangine est un roman qui colle de près à l'actualité, puisqu'il s'agit de l'histoire d'une famille
homoparentale qui est confrontée à l'homophobie et à l'ignorance d'une partie de la population,
du fait de sa différence. Le sujet est abordé de manière délicate et les questions inhérentes à cette
situation peu connue sont traitées à travers le regard des deux adolescents. Le roman se construit
sur la relation de Joachim, le narrateur, et Pauline, sa petite sœur. C'est l'histoire d'une évolution,
de comment se construire lorsqu'on est confronté au regard des autres, jugés pour ce que l'on n'a
pas choisi, pour une situation que l'on vit parfaitement bien mais qui reste anormale aux yeux d'un
certain nombre de personnes.
L'intérêt de ce récit est de présenter plusieurs points de vue : le lecteur suit principalement
l'existence de Joachim, ses questionnements amoureux, ses inquiétudes concernant sa sœur mais
également la vie quotidienne de Julie et Maline, les deux mamans, leurs histoires respectives, les
relations avec leurs parents... L'homoparentalité est au centre du récit mais Pauline et Joachim n'en
restent pas moins des adolescents qui essaient de se construire, de s'affirmer et de trouver leur place dans le monde comme tous les jeunes.
Frangine est un très joli récit, porté par une écriture légère et poétique et traitant avec simplicité
d'un sujet rarement abordé en littérature jeunesse, au gré du quotidien de la famille, des souvenirs
et des questionnements de chaque personnage. C'est un roman optimiste qui pose la question de
la différence, du choix de vivre sa vie comme on l'entend et le mieux possible. Joachim, Pauline,
Maline et Julie sont quatre personnages extrêmement attachants, finalement extrêmement banals
et qui aspirent à la même tranquillité que n'importe quelle famille dite « traditionnelle ». -
Les Prix Sorcières 2013
Les Prix Sorcières ont été remis ce weekend pendant la fête du livre de Villeurbanne.
Voici donc les résultats tant attendus après les votes des librairies Sorcières et des bibliothécaires membres de l'ABF :
Prix du meilleur album pour les tout-petits
2 YEUX ?
Lucie FELIX
éd. des Grandes Personnes
*****
Prix du meilleur album
LA MAISON EN PETITS CUBES
Kunio KATÔ
ed. Nobi Nobi
*****Prix du meilleur roman premières lectures
EMILE SE DEGUISE
Vincent Cuvellier & Ronan Badel
Gallimard Giboulées
*****Prix du meilleur roman Jeunesse
BLACK OUT
Brian Selznick
Bayard Jeunesse
*****Prix du meilleur roman Ado
MAX
Sarah Cohen-Scali
Gallimard Scripto
*****
Prix du meilleur Documentaire
CARTES
Aleksandra Mizielinska & Daniel Mizielinski
éd Rue du monde
Toutes les photos ont été faites par Simon de la librairie pour la revue Citrouille.
L'affiche de ces prix Sorcières a été réalisée par l'excellent Christian Voltz
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Pirates (Shuky) - chronique de Guillaume #62
PIRATES
Shuky & Gorobei
Makaka - 17 €
On connaissait Les livres dont vous êtes le héros, ces petits bouquins qui permettent de faire du jeu de rôle tout seul avec une paire de dés et un crayon. Shuky et Gorobei nous offrent à présent la BD dont vous êtes le héros avec Pirates qui vient de paraître aux éditions Makaka. Et c’est une réussite ! La « jouabilité » de cette bande dessinée réellement interactive est excellente. On se plaît à scruter chaque case à la recherche d’un passage dérobé ou d’un objet précieux. Le dessin, qui n’est pas sans rappeler certains jeux vidéos, colle parfaitement avec le côté ludique du livre.
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Nappe comme neige (Marion Fayolle) - chronique de Guillaume #63
NAPPE COMME NEIGE
Marion Fayolle
Editions Notari - 15 €
Après les magistrales saynètes (pour les grands) de l’Homme en pièces (éd. Michel Lagarde) et l’étonnante histoire d’amour du Tableau (éd. Magnani), Marion Fayolle apporte à nouveau sa touche très personnelle dans un exercice d’illustrateur pourtant rebattu : celui de l’abécédaire. Le concept employé s’avère fort simple : il s’agit d’associer à chaque lettre un mot évident et le dessin correspondant puis un second mot dont le dessin associé utilise le premier dessin. C’est bien entendu sur la seconde proposition que se joue l’effet tantôt comique, tantôt dérangeant, parfois absurde, parfois émouvant. Cependant, rien n’est imposé, Marion Fayolle laisse à son lecteur le champ libre de questionner ou non les propositions ou simplement de se laisser porter par la grâce de ses illustrations.
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Le Citrouille #64 Spécial dossier Architecture / Prix Sorcières est arrivé
Il est super beau ! Il est à retirer à la librairie !!!
Le Citrouille nouveau est arrivé !
Avec au programme :
- un dossier spécial architecture avec des entretiens avec Didier Cornille et Joelle Jolivet entre autres
- la révélation des Prix Sorcières 2013 (avec des mises en photo de Simon...)
- le Prix Premier album 2013 : Lucie Félix
et toujours une sélection des meilleurs titres à venir...
Tout est bon dans le Citrouille !
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La première chose qu'on regarde (Grégoire Delacourt) - chronique de Camille #01
LA PREMIERE CHOSE QU'ON REGARDE
Grégoire DELACOURT
JC Lattès, 17€
La première chose qu'Arthur Dreyfuss regarde, ce sont les seins des femmes.Arthur Dreyfuss aimait les gros seins. Il s'était d'ailleurs demandé, si d'aventure il avait été une fille, et parce que sa mère les avait eus légers, sa grand-mère lourds, du moins dans le souvenir des étreintes asphyxiantes, s'il les aurait eus gros ou petits. Il trouvait qu'une poitrine conséquente obligeait à une démarche plus cambrée, plus féminine, et c'est la grâce de ces silhouettes en délicat équilibre qui l'enchantait ; le bouleversait parfois.
C'est ainsi que commence ce roman. Pourtant, les poitrines opulentes n'en sont pas le sujet, bien que
cette question de la taille y revienne régulièrement. Non, ici, il s'agit d'une histoire d'amour. Arthur
Dreyfuss a vingt ans, il est garagiste et vit dans un village perdu, dans une petite maison au bord de
la départementale. Sa vie est tranquille, rythmée par les journées au garage de PP, quelques lectures
et quelques séries en DVD. Jusqu'au jour où Scarlett Johansson sonne chez lui, page 24.
La première chose qu'on regarde est une histoire d'amour, une histoire sur les faux-semblants et
les illusions. On y trouve une réflexion subtile sur le culte de l'apparence et de la beauté. Mais, plus
encore, on retient de ce récit un air d'Amélie Poulain, distillé par la présence de gens simples, de
gens qui cherchent le bonheur, de gens qui tombent amoureux. On y lit la joie d'être à deux, mais
surtout les blessures de l'enfance : un père qui a disparu, une petite sœur dévorée par un chien,
une mère qui s'est tue et qui n'a plus jamais embrassé sa fille. Arthur et Scarlett, ce sont deux
êtres cabossés qui se trouvent, qui tentent de se réparer, qui croient y parvenir. C'est un roman sur
l'absence et sur deux solitudes qui se rejoignent. La première chose qu'on regarde est un livre à la
fois léger et lourd, une histoire portée par une écriture sensible et parfois drôle qui rappelle que la
beauté du bonheur est inhérente à sa fragilité. -
Vive le vent ! (Peter Schössow) - chronique de Simon #134
VIVE LE VENT !
Peter Schössow
La Joie de Lire - 9,80 €
Un homme marche seul sur la plage quand le vent se met à souffler de plus en plus fort. Son chapeau s’envole, il court après puis il se fait lui-même emporter. Commence alors un mystérieux voyage dans les airs. L’homme aux épaules renfrognées va peu à peu retrouver le sourire.
Ce court album sans texte est une belle invitation à la rêverie et on se prend, en le feuilletant, à vouloir nous aussi nous faire emporter par le vent.
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Et vogue la petite souris (Coline Promeyrat, Martine Bourre et Elga) - chronique de Simon #133
ET VOGUE LA PETITE SOURIS
Coline Promeyrat / Martine Bourre et Elga
A petits petons, Didier Jeunesse - 11,50 €
On connait bien ici la qualité et la constance de la collection À petits petons des éditions Didier Jeunesse. Le nouveau titre de la collection, Et vogue la petite souris, ne dément pas ce principe. C’est encore une fois une belle réussite.
Après le très beau Le Bateau de monsieur Zouglouglou, Coline Promeyrat adapte cette fois un conte sibérien qui reprend un peu la même structure. Une souris se fait un bateau dans une coquille de noix et part à l’aventure. Cette fois-ci, elle n’accueillera personne sur son navire mais elle fera la rencontre d’enfants de plusieurs villages et essaiera de trouver quelque chose de bon à manger…
Dans ce texte en randonnée, on remarque à nouveau le talent de conteuse de Coline Promeyrat. La musicalité du texte est excellente et c’est un régal de lire ce texte à voix haute. L’illustration, réalisée à quatre mains par Martine Bourre et sa fille Elga est, comme toujours, parfaite.
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Le Festival du Premier Roman, c'est ce weekend et nous y sommes !
Retrouvez nous ce weekend au Théâtre de Laval pour le FESTIVAL du PREMIER ROMAN.
Depuis de nombreuses années, la librairie est partenaire de l'association Lecture en Tête en l'accompagnant sur de nombreuses animations. Cette année, c'est la librairie M'Lire qui assurera la tenue du stand librairie au théâtre.
La 21ème édition du Festival du Premier Roman de Laval se déroulera du 3 au 7 avril 2013 au Théâtre, parainée par Jeanne Benameur, Grand Prix RTL-Lire 2013 pour Profanes.
La Sélection du festival
François GardeCe qu'il advint du sauvage blanc
Anne SwärdEmbrasement -
48H BD - la librairie M'Lire vous offre une BD les 5 et 6 avril
La librairie M'Lire est partenaire de l'opération 48H BD.
Les 5 et 6 avril, venez nous demander 1 BD gratuite (dans la limite des stocks disponibles)
En collaboration avec les éditions Bamboo, Casterman, Dargaud, Dupuis, Fluide Glacial, Grand Angle, Jungle et Le Lombard, nous vous proposons de découvrir gratuitement l'un des 8 albums suivants*: -
Une excellente interview d'un non moins excellent dessinateur BD par un toujours excellent blogger de talent !
Cette interview est tiré du blog "I am a lungfish Song" de Christophe Aimé. C'est vraiment excellent alors dépêchez-vous et allez voir ce qui s'y passe...
THIERRY MURAT
"Je regardais le monde défiler à grande vitesse. Ce monde que je n'avais vu qu'en mode pause à travers une fenêtre flanquée de trois barreaux." Rascal et Thierry Murat suivent la trajectoire d'Abel Mérian, un ex-tolard, en route pour un point toujours au-delà de l'horizon. Ligne droite vers un livre d'une beauté graphique et narrative boulversantes. Son dessinateur au making-of.
(chRisA - avril2013)
En quels termes présenteriez-vous Rascal, votre partenaire sur ce projet ?
Rascal est avant tout auteur. Il a publié plus de 80 ouvrages, chez Pastel - L’École des Loisirs, notamment. Il a certainement écrit quelques-uns des plus beaux textes de la littérature jeunesse contemporaine. Il s’est toujours nourri d’images autant que de lectures. Rascal est belge et en Belgique la culture picturale fait partie du paysage, elle est écrite dans l’histoire du pays et dans les petites histoires de chacun… Rascal est un ami depuis une petite dizaine d’années, maintenant. Rascal écrit comme il parle et parle comme il écrit. À la première personne le plus souvent possible, avec le cœur systématiquement et toujours avec retenue et grande élégance.
À présent, prenez un miroir et, en tant qu'artiste, présentez-vous.
Je suis un « touche à tout ». Je l’ai toujours été. Musique, dessin, photo, écriture… Je suis venu à la bande dessinée assez tardivement. Même si c’était un rêve de gosse, j’ai pris mon temps. Je prends toujours mon temps pour quoi que ce soit, d’ailleurs. J’ai commencé par publier au début des années 2000 des livres jeunesse aux éditions du Rouergue. Mon premier album en bande dessinée adulte Elle ne pleure pas elle chante est sorti en 2004 chez Delcourt. En 2011, c’est avec Les larmes de l’assassin, chez Futuropolis, que je prends conscience que je commence à avoir un vrai public. Et face à ce miroir que vous me tendez dans votre question j’y vois un mec qui ne sait pas parler de lui. C’est vrai… Je préfère parler de mes livres (ou de ceux des autres).
Comment est né Au Vent Mauvais?
C’est une histoire d’amitié avec Rascal avant tout. C’est l’envie de faire un roman graphique qui nous ressemble à tous les deux. Et, cerise sur le gâteau, de le faire chez Futuropolis. On est tous les deux des anciens ados, biberonnés aux vieux Futuropolis de la fin des années 70. De mon côté, j’avais déjà mis un pied chez Futuro avec Les larmes de l’assassin et pour Rascal, faire un bouquin avec le logo Futuropolis en bas à droite de la couverture, c’était le Graal… (Rires !) Alors, naturellement on a tout de suite pensé à un road-movie. Rascal a déjà pas mal écrit sur ce registre en littérature jeunesse. C’est un vagabond dans l’âme. Amoureux de Rimbaud et des Clash. La route, c’est un truc qui l’inspire depuis toujours. De mon côté, j’avoue que c’est une esthétique qui me faisait terriblement envie depuis longtemps aussi… Donc, Rascal m’a écrit une sorte de nouvelle. Une forme courte. Un texte d’une trentaine de feuillets, à la première personne. Et puis je me suis chargé de la mise en scène, du découpage et du dessin, bien sûr.
Qu'est-ce qui, Rascal et vous, vous différencie et vous rapproche ?
Alors… Ce qui nous rapproche, d’abord : préférer la singularité du regard à la virtuosité ou la technique. On partage, je crois, la même lucidité sur le monde et sur les relations humaines, aussi. On ne se fait pas d’illusions… Mais on sait en rire. On est papa de nombreux enfants : 5 pour lui et 3 pour moi. Ça rapproche, mine de rien… Ce qui nous différencie, c’est notre patrimoine culturel. Je suis un gascon du sud-ouest de la France et lui est belge. Ça n’a rien à voir. On a presque dix ans d’écart aussi… Moi, j’aime Andy Warhol et Edward Hopper, lui préfère Van Gogh et Francis Bacon… Lui, c’est les Clash ! Moi, c’est Neil Young…
Quels sont les secrets d'une bonne collaboration ?
L’amitié, le respect et l’écoute. Pas l’admiration… Avec l’amitié, le respect et l’écoute, on peut tout se dire. Même les choses qui fâchent, mais ça ne dure pas.
Je vois ce dernier album comme un road-movie avec une ambiance de polar. Dans l'histoire de la bd et du cinéma, quels sont à vos yeux les road-movies les plus réussis ?
Pierrot le fou de Godard, Easy Rider de Dennis Hopper, bien sûr ! Et puis le beau Paris Texas de Wim Wenders… Toute l’œuvre de Jim Jarmusch qui est un road-movie à elle seule. Sinon, plus récemment Papa de Maurice Barthélemy (ex-Robin des bois) avec Alain Chabat dans le rôle titre : magistralement drôle et émouvant ! En bd, je ne vois pas… À part Au vent mauvais, bien sûr… (Rires !)En quoi vouliez-vous vous démarquer des autres road-movies ?
Ho, il n’y a pas eu de calcul de la sorte. Ça ne se calcule pas ce genre de chose. Enfin… Ça peut se calculer, mais on risque de faire des trucs moins sincères. Je reviens à la question précédente, une chose qui nous rapproche aussi, avec Rascal, c’est de ne pas être bardé de références culturelles. On sait, lui et moi, que c’est un frein à la créativité. On fonctionne donc à l’instinct. Ça passe ou ça casse. On fait le livre pour nous d’abord. Pour notre éditeur aussi, bien sûr… On essaye de ne pas le décevoir, vu qu’il nous fait confiance, c’est la moindre des choses. Mais on ne fait pas de concessions. Lorsque le livre est fini, le public est là ou pas. De toute façon, malgré tous les meilleurs calculs du monde, c’est toujours comme ça que ça se passe. Donc pas de volonté spéciale de se démarquer. Juste l’envie de tenter l’expérience « road-movie » à notre manière, honnêtement, et le plus sincèrement du monde…
Comment se sont passé les repérages ? Qu'était-il important de capter ?
Pendant toute la période de travail sur ce livre, j’avais toujours dans ma poche un appareil photo ou à défaut, mon téléphone portable, en voiture, dans le train, dans l’avion… Et je me suis constitué une collection de paysages urbains, de friches industrielles, de routes, d’autoroutes…. Je l’ai toujours fait, j’adore ça. Mais là, j’en ai profité pour étoffer ma collection (voir ci-dessous), pour le plaisir surtout, pas uniquement pour le livre en cours. J’ai même fait un voyage express en voiture jusqu’à Rimini sur la côte Adriatique italienne, le point de chute du récit. Histoire de voir. Encore et toujours le regard… Avec la force de son inévitable subjectivité… D’ailleurs l’utilisation formelle que je fais de la photo dans mon dessin est finalement assez réduite. Capter des images avec un appareil, c’est surtout exercer son œil et forcer son regard à un instant donné, très bref, sur quelque chose de banal pour le sublimer. C’est ça qui est intéressant avec la photo. Ce n’est pas juste aller chercher de la documentation visuelle (la simple doc, on peut la trouver sur Google)… À l’étape du dessin, c’est toute cette démarche de captation du réel qui ressurgit. Et on arrive alors à fantasmer des images que l’on n’a même pas prises en photo. C’est une drôle de machine à rêver, le cerveau. Pour répondre plus précisément à votre question, j’essaye de capter avec mon appareil des choses qui ne se voient pas sur la photo elle-même… C’est difficile à expliquer tout ça, je sais… Mais la réponse est peut-être dans la capacité du dessin (et de la littérature aussi) à suggérer plus qu’à montrer.
Comment définiriez-vous le style que vous avez trouvé depuis Les larmes de l'assassin ?
C’est difficile pour moi de définir mon travail… Ce que je peux dire, c’est que c’est une écriture graphique qui me ressemble totalement. J’ai longtemps essayé des tas de choses très différentes dans tous mes livres, depuis 10 ans. Et récemment, pour Les larmes de l’assassin, je me suis souvenu de ce que je faisais adolescent. Des dessins à l’encre avec des grands aplats noirs, Hugo Pratt et Comès étaient mes auteurs de chevet à l’époque de mes années lycée. Mes dessins étaient maladroits, bien sûr, on n’est pas sérieux quand on a 17 ans et on se contente de peu… Mais je crois que l’adolescence, c’est le moment où l’on construit l’être humain qu’on va être « pour toujours ». C’est idiot de vouloir faire semblant d’oublier ça. Voilà. Aujourd’hui je dessine avec les mêmes intuitions (enfin retrouvées) que j’avais lorsque j’étais ado. C’est à peu près tout ce que je peux dire. Les lecteurs sont mieux placés que moi pour définir mon style (je n’aime pas ce mot).
Comment abordez-vous la technique du cadrage et celle du découpage ?
C’est la narration visuelle qui décide pour moi. Je fonctionne à l’instinct. Je me raconte l’histoire à ma manière avec tout le détachement nécessaire par rapport au texte original et la taille des cases, le nombre de cases par planche, etc… s’installe presque malgré moi. Voilà pour la base de travail. Après, bien sûr, j’ai mes petites manies comme tout le monde. J’abuse de ce que j’appelle « les images refrain ». Comme dans une chanson, vous voyez ? D’ailleurs pour répondre clairement à la question je crois que c’est ça, en fait : j’aborde le découpage d’une manière musicale. Pourquoi pas… Les chansons de Bob Dylan sont de sacrées histoires à chaque fois. De longs couplets lancinants et soudain : Paf ! Le refrain qui revient, encore et toujours le même gros plan sur ce même visage ou ce même objet banal. Une autre obsession dans ma manière de découper la narration, c’est la globalité de la double page. Je suis incapable d’appréhender une page seule, sans prêter attention à sa sœur d’en face. C’est maladif…
Qu'essayez-vous de privilégier dans chaque case ?
La lisibilité ! Pour que l’image soit frontale à chaque fois. Un uppercut. Vlan ! Pas de fioritures… Ça ne sert à rien. On le sait, pourtant y’en a encore qui continuent à faire de la bd comme on faisait de la peinture au 18ème siècle. Ça m’énerve… On n’arrive pas lire, à rentrer dans l’histoire tellement y’a de détails qui polluent le regard. Même plus la place pour le lecteur de se faire sa place… C’est un comble ! De toute façon, c’est comme dans la vraie vie. Y’a les bavards, ceux qui s’écoutent parler, qui prennent toute la place. Et puis, y’a les autres, souvent plus touchants et plus profonds dans leur discrétion... Ce n’est pas une théorie absolue. C’est ce que je pense. C’est tout.
Sans suivre la plume de Rascal, rien qu'en regardant vos dessins, nous pourrions comprendre l'histoire. Comment travaillez-vous graphiquement la charge narrative ?
Encore une fois, pas de calcul… J’essaye tout simplement de décrire au mieux ce qui se passe et où l’on est. Ou bien je fais complètement l’inverse ! Si le texte est très descriptif, alors je pars ailleurs, je montre du ciel ou une tasse à café sur un comptoir… Et bizarrement, lorsque je deviens plus métaphorique, je me rends compte que la narration y gagne. C’est assez mystérieux le rapport texte-image… Ce n’est pas une science exacte et je n’ai pas d’explications, pas de recettes non plus. Mais j’essaye de provoquer de l’inattendu, du décalage, le plus souvent possible, parce que je me rends bien compte que ça marche. On me l’a dit… Je ne suis pas un dessinateur d’action, ça se saurait (Rires !). Alors je cultive mes faiblesses comme disait Cocteau.
Qu'est-ce que la signalétique, très présente, apporte ici ? Quelle est sa rhétorique ?
Dans l’environnement de ce récit, les marques, les enseignes, la typographie, la signalétique apportent ce supplément d’âme ou de « non-âme », qui caractérise bien notre époque et son décor quotidien. La signalétique, c’est un peu la carte ADN de nos paysages urbains ou ruraux. Ça peut avoir quelque chose de terriblement déprimant (lorsque je montre une zone commerciale surchargée de marques) ou de très touchant (lorsque je montre une enseigne un peu usée, de vieille superette ou de vieux bistrot). Je crois que toute cette signalétique fait parler les décors et leur offre un vrai statut de personnage et donc un vrai rôle à jouer.
Quelles couleurs vouliez-vous privilégier ? Quelles sont celles que vous vous êtes interdites ?
J’adopte depuis pas mal de temps, dans mes images, une palette de couleurs sourdes. Ça me permet de faire éclore des petits éclats de couleurs qui d’un point de vue narratif, m’aident à accompagner le lecteur dans ses émotions. Dans ce livre, on est dans une gamme un peu « blafarde » et, de temps en temps, on aperçoit un feu rouge à l’arrière d’une voiture, le smiley jaune sur la casquette de l’ado… Je ne sais absolument pas pourquoi je m’interdis le vert. Il faut croire que je n’aime pas cette couleur… Mais je m’en passe très bien !
Qu'est-ce qui vous a donné le plus de fil à retordre sur ce projet ?
L’exigence de Rascal ! (Rires). Non, mais c’est aussi ce qui m’a apporté le plus de satisfaction au final… Rascal dessine aussi, dans ses albums jeunesse… Il sait de quoi il parle (et moi aussi…). Donc, nous avions des vrais débats sur l’image. C’était passionnant.
Les histoires sombres, tristes sont-elles plus faciles à dessiner ? Vous inspirent-elles plus ? Si oui, pourquoi ?
Plus facile, je ne le crois pas… Ce n’est pas facile, d’obliger les gens à regarder leurs propres peines en face… C’est risqué. En revanche faire rigoler, c’est plus rassurant. « Hé ! Venez chez moi, on va rigoler un bon coup ! » Tout le monde rapplique, c’est sûr… Mais si vous dites : « Passe à la maison, un de ces quatre, pour qu’on discute un peu de ce qui nous chagrine en ce moment… » Alors là, vous prenez le risque de passer la soirée tout seul (Rires !). Non, non ce n’est pas de la facilité dont il s’agit. C’est juste que pour moi, si le ciel est bleu et que tout le monde est heureux, bin… Y’a plus rien à raconter. Non ? Tout va bien. Circulez y’a rien à voir !
Si vous étiez un lieu ou un personnage de Au Vent Mauvais, lequel seriez-vous ? Et aussi, lequel ne seriez-vous surtout pas ?
Je serais sans hésiter, un lieu : La plage de Rimini, désolée, hors saison. La côte Adriatique italienne à un pouvoir de séduction assez paradoxal… Je ne voudrais surtout pas être la caissière de la superette de village…
Combien de temps un projet comme cet album prend-t-il ?
Un an ! C’est long et c’est court en fait… C’est un peu comme un morceau de vie.
Quelques mots sur le nouveau roman graphique que vous préparez. J'ai appris que vous adaptiez Le Vieil Homme et La Mer d'Ernest Hemingway. Quelle « pression » ressentez-vous face à un tel défi ?
Pour l’instant, je me prépare. Je suis dans les starting-blocks. Donc, grosse pression ! Le contrat est signé avec Futuropolis. Les ayant droits de la famille Hemingway ont donné leur accord. Tout est calé. Y’a plus qu’à… C’est donc un moment très particulier. Rempli de doutes, de questions. Mais je sais par expérience que tout ça va s’effacer immédiatement lorsque je serais la tête dans le guidon. Heureusement, sinon ce serait invivable. Mais cette période préliminaire, assez peu confortable, est nécessaire. C’est ainsi. Ça va être une belle aventure. En solo cette fois. Puisque mes échanges avec le vieil Ernest Hemingway seront davantage de l’ordre du spiritisme. Je pense qu’il va venir souvent m’emmerder dans mes rêves. Bon… On verra bien comment se passe la rencontre. On boira des mojitos sur la plage de La Havane… C’est un rêve de gosse, cette adaptation. J’attendais d’avoir suffisamment de cartouches dans ma besace pour attaquer un tel défit. Ce sera mon 5ème roman graphique. C’est bien, c’est le bon moment, je crois. Un beau récit sur « la victoire dans la défaite » ou inversement… Rien que de l’eau avec beaucoup de ciel au-dessus, sur 120 pages !
Je ne terminerai pas avec une question mais avec mes sincères remerciements pour avoir passé un tel grand moment avec la lecture de Au Vent Mauvais. Merci à vous et à Rascal !
Merci à vous pour ces questions qui sortent des sentiers battus… C’était un plaisir !
Un grand merci à Thierry Murat et à Simon.
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6e Rencontres BD en Mayenne - 6 et 7 avril aux Ondines à Changé
Voici la liste des auteurs attendus aux 6è Rencontres BD en Mayenne, les 6 et 7 avril 2013, à Changé.
- Aki
- Allan BARTE
- Nicolas BIANCO-LEVRIN (uniquement le samedi)
- Ludovic DANJOU (uniquement le samedi)
- Emmanuel DELENTE
- Olivier DELOYE
- Florian FERRIER
- Katherine FERRIER
- Pierre FOUILLET (uniquement le samedi)
- Brigitte LUCIANI
- Bruno MAIORANA
- Dewi NOIRY
- Raoul PAOLI
- Yvan POMMAUX
- Maël RANNOU
- Rutile
- Grégory SAINT FÉLIX
- Ève THARLET
- Turf
- Zimra
Les Rencontres BD seront ouvertes au public de 14 h à 19 h samedi et de 10 h à 18 h dimanche, à Changé, en Mayenne.
Diverses animations sont proposées :
SAMEDI
- Ateliers BD avec des auteurs à 14 h, 15 h et 16 h
- Des films d’animation réalisés par Nicolas Bianco-Levrin à visionner
- Remise du prix Bull’gomme 53 à 17 h
DIMANCHE
- Ateliers BD à 10h30 et 15h30
Et tout au long du week-end, retrouvez :
- la librairie M’Lire
- Bouquin’bulles
- Des expositions (les 10 ans du prix Bull’gomme 53, le vainqueur 2013)
- Rêve de bulles et ses tirages limités
- Des jeux autour de la Bande Dessinée
- Un espace bibliothèque
- Atelier maquillage proposé par l’association Educ’Actions en Afrique
- Des mobiles à fabriquer
- Des fresques réalisées avec les enfants
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A la recherche de la reine blanche (Jonas T. Bengtsson) - chronique de Fabien #05
A LA RECHERCHE DE LA REINE BLANCHE
Jonas T. BENGTSSON
Denoël - 24€
Ce roman est une fable incroyable.
On y suit un jeune garçon de 6 ans, Peter. Accompagné de son père, il va parcourir une grande partie du Danemark. N’allant pas a l’école, ça sera son père qui lui apprendra a lire et à compter.
Le roman se divise en 2 parties. La première est cette fable - road trip, où l'on voit ce jeune garçon nous décrire son père comme une sorte de super héros. Faisant tous les métiers (métallurgiste, mécano, jardinier, acteur, videur…) utilisant la bonté des gens pour gagner sa vie. Et à travers ça, on suit Peter découvrant la vie, grâce à ce père unique et aux multiples rencontres qu'il va faire pendant le voyage. Tout cela ayant pour fond, l’histoire de son père, qui lui raconte sans cesse un conte parlant d'un roi et de son fils qui cherchent la dame blanche pour la tuer.La seconde partie se passe 10 ans plus tard. Peter a grandi, et il n’a pas retenu l’enseignement de son père, pour une raison bien particulière. Cette seconde partie est moins fabuleuse que la première, mais reste touchante. On y voit un jeune homme essayant de fuir tout ce qui l’entoure. Fuyant même son propre prénom.
A la recherche de la reine blanche est une fable fabuleuse, sur l’amour d’un père pour son fils, et d’un fils qui essaye de comprendre son père. A la fois touchant par tous ces personnages qui apparaissent tout au long du roman, on y découvre, avec magnificence, la beauté et la gentillesse de l’être humain. De ce père qui aidera les gens, et qui pourtant n’a qu’un seul souhait : Tuer cette dame Blanche.“Non, l’argent n’a pas d’importance, je n’ai qu’un fils.”
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Exposition Il était une fois... Contes en Haïku (éditions Thierry Magnier)
Venez découvrir la superbe exposition tirée du livre "Il était une fois... Contes en Haïku" de Agnès Domergue et Cécile Hudrisier (éditions Thierry Magnier)