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Librairie M'Lire - Page 26

  • de nouvelles lectures!!

    imagesbocage.jpgLe bocage à la nage- Olivier Maulin

    Balland- 19.90€

    Olivier Maulin fut en résidence à Laval jusqu'en avril 2013. Il consacra  son temps à la rédaction d'une comédie sociale en plein coeur de la Mayenne!

    Philippe Berthelot, commercial raté, prend des vacances chez son ami "Cro-Magnon", qui vit dans une caravane au fond des bois. Entre quelques verres au bar, ils donnent un coup de main à une communauté d'anarchistes vivant dans un manoir sur la commune de Port-Brillet. Ils y mènent une vie paisible, en rupture avec le monde moderne, jusqu'au jour où deux supers flics les soupçonnent de detenir un document "sensible".


    imagesinauguration.jpgL'inauguration des ruines - Jean-Noël Blanc

    Joelle Losfeld- 22.90€

    Jean-Noel Blanc réinvente le roman-feuilleton en nous plongeant dans l'histoire d'une  famille d'industriels française sur plusieurs générations. Un roman dense, extrêmement bien écrit.

    Une très belle découverte.

     

    chrysis.jpgChrysis - Jim Fergus

    Cherche-midi- 18.50€

    S'inspirant de faits réels, Jim Fergus nous offre le portrait d'une femme exceptionnelle ,prise dans la tourment des Années Folles. Chrysis n'a que 18 ans lorqu'elle entre à l'atelier des Beaux-Arts des élèves femmes. Très vite, son professeur se rend compte de son talent. Précoce, emprunte de liberté, elle va très vite bousculer son milieu social et le monde de l'art où les hommes ont "encore" tous les privilèges.

    Ayant acquis l'un des tableaux de Chrysis, Jim Fergus a voulu découvrir l'histoire de cette artiste, figure emblématique des nuits parisiennes. Un roman passionnant.

  • 22/11/63 (Stephen King) - Chronique de Guillaume #63

    22/11/63

    Stephen King

    Albin Michel – 25.90 €

    22/11/63, stephen king, guillaume boutreux, mlire, m'lire

    Jake Epping  est un professeur ordinaire dont la vie bascule le jour où son vieil ami Al lui montre un passage vers le passé débouchant en 1958. Celui-ci, mourrant, lui confie une mission : empêcher l’assassinat de Kennedy.

     

    Stephen King s’empare ici d’un sujet maintes fois rebattu avec plus ou moins de bonheur dans la littérature de science fiction : peut-on changer le passé et quelles en seraient les conséquences ?


    Si d’autres auteurs ont pu rester dans les starting-blocks du cliché, le roi du fantastique, lui, transcende le paradoxe et nous emmène tambour battant dans un thriller subtil. Tour à tour nostalgique, tendre mais aussi parfois durement critique, le regard de Stephen King sur les Etats-Unis du début des années 60 s’avère d’une acuité saisissante. Outre la qualité du suspense et la justesse des points de vue, la richesse et l’empathie dégagée par les personnages complète ce tableau déjà enchanteur.

    Bref, 22/11/63 est un roman de Stephen King remarquable, digne de ses tout meilleurs récits.

  • Quelques idées de lecture estivale-

    En vacances ou (encore) au travail, voici quelques livres de poche qui enchanteront votre été!

     

    images.jpgFamille modèle de Eric Puchner

    Livre de poche- 7.90€

    L'histoire d'un fiasco familial, à la fois drôle et tragique!


     

    imagesart.jpgL'art du jeu de Chad Harbach

    Livre de poche- 8.10€

    Juste pour la beauté du geste... Un premier roman tendre et subtil.


    oiseau-canadeche1.jpgL'oiseau canadèche de Jim Dodge

    10/18- 4.90€

     Un petit bijou d'humour et de tendresse! Un de ces romans qui, dès les premières pages, vous happe!


    imagesdiner.jpgLe diner de Herman Koch

    10/18- 8.10€

    Comédie de moeurs mêlant humour ravageur et roman noir, voici un portrait de notre société en pleine crise morale!


    m lire, lecture estivale, livre de poche, Trois hommes, deux chiens et une langouste de Ian Levison

    Liana Levi Piccolo- 10.50€


    Une bande de bras cassés, persuadés d'avoir mis au point le coup du siècle pour se sortir de la galère! Mais ce n'est sans compter sur le talent de Ian Levison qui prend un malin plaisir à les malmener!

     

     

     

  • interview de Cédric RASSAT et Raphaël GAUTHEY (par Christophe Aimé le magnifique)

    On ne vous le répètera jamais assez ! Allez voir le blog de Christophe Aimé. Il y a plein de trucs géniaux à découvrir. Sinon, on vous retranscrit ici la très belle interview BD qu'il vient de mettre en ligne. Au programme : Cédric Rassat et Raphaël Gauthey les auteurs de la série On dirait le sud

    bonne lecture !




    CEDRIC RASSAT & RAPHAËL GAUTHEY

    L’été commence à brûler les peaux blanches en manque de vitamines D. Partout, les insectes s’excitent et se font entendre. La verdure s’apprête à agoniser. L’envie d’aller piquer une tête vous démange le maillot de bain. Les gouttelettes ne peuvent s’empêcher de faire la course le long de vos boissons fraîches… La chaleur est là. Devant et derrière vos lunettes de soleil. Le timing ne pouvait pas être plus parfait pour vous pencher sur les deux tomes passionnants de On Dirait Le Sud. Pour lire l’interview de Cédric Rassat et Raphaël Gauthey, les auteurs talentueux qui pendant trois ans, dans le four de l’été 1976, nous ont tenu en haleine avec leur chronique sociale déroutante. Chaud devant… (chRisA – juillet2013)


    On Dirait Le Sud 1

    Vous connaissiez-vous avant de vous lancer dans l’Aventure 76 ? Qu’attendiez-vous l’un de l’autre ?

    Cédric : Non, c'est Emre Orhun, un ami commun (avec qui j'ai aussi fait Erzsebet et La Malédiction du Titanic chez Glénat), qui nous a mis en contact. A l'époque, en 2003, Raphaël commençait à envisager de se mettre à la BD et moi je cherchais à développer de nouveaux projets avec d'autres dessinateurs… Je crois qu'à ce stade, je recherchais surtout une autre forme de collaboration. Je voulais m'éloigner autant que possible de William Panama et de La Frontière, mes deux premières séries qui n'avaient pas bien fonctionné. Avec Raphaël, on a tout de suite eu un vrai échange et des discussions sérieuses et constructives. Les bases de ce qui allait devenir On dirait le Sud sont venues très vite.

    Cédric, quel(s) adjectif(s) et quelle(s) métaphore(s) emploierais-tu pour dresser le profil de ton compère Raphaël ?

    Cédric : Pas de métaphore, mais disons que Raphaël a une vraie exigence par rapport à son travail. Il est très appliqué et méticuleux, et il se remet beaucoup en question. Pour moi, c'est aussi une source de motivation, même si je suis aussi exigeant et assez critique avec mon propre boulot. En plus, je pense que son sens de la mise en scène et son regard très "cinématographique" m'aident aussi beaucoup du point de vue de l'écriture.

    Raphaël, si tu devais dessiner le portrait de Cédric, comment t-y prendrais-tu ? Et quelles couleurs utiliserais-tu ?

    Raphaël : Une couleur ? Disons une couleur chaude... Après, ce qui caractérise Cédric, c'est le dialogue et l'ouverture. Nous discutions beaucoup sur les différentes scènes et il a toujours pris mon avis en considération. Sinon, pour l'anecdote, on peut dire que j'ai déjà dessiné Cédric, puisque je retrouve beaucoup de sa personnalité dans le personnage de Claude.

    Il faut sacrément bien s’entendre pour travailler sur un projet de quatre (?) ans. Quelles qualités et quels défauts ce projet a-t-il révélé chez l’un comme chez l’autre ?

    Cédric : La genèse de ce projet s'est étalée sur une période beaucoup plus longue, puisqu'on a commencé à en discuter et que j'ai écrit les premières scènes dès 2003. Ensuite, le projet a été présenté à Delcourt en 2006. Le tome 1 est paru en 2010 et le 2 en 2013… Pour en revenir à la question, je dirais que le travail de Raphaël (mais le mien aussi, d'ailleurs) s'est beaucoup affiné entre les deux albums. La base est évidemment la même, mais sa mise en scène s'est épurée et son travail sur la lumière et les couleurs est devenu encore plus précis.

    Qui a eu l’idée de On Dirait Le Sud ? Quel a été le déclencheur ? Pourquoi avoir choisi cette époque et ce contexte ?

    Cédric : L'idée de base est venue de notre première discussion. Raphaël avait en tête un projet de chronique familiale. C'était encore assez vague, mais il savait déjà qu'il voulait impliquer plusieurs générations de personnages (un grand-père et une petite-fille, notamment) et situer le récit dans le milieu ouvrier d'une petite ville du centre de la France qui, dans son esprit, ressemblait un peu au Creusot. L'idée des années 70 est venue d'une réflexion sur les personnages : on savait que le grand-père devait avoir vécu la Seconde Guerre mondiale et que les parents devaient avoir une trentaine d'années. En pensant à la fin des années 70, j'ai très vite fait le lien avec la canicule de 1976. Il me semblait intéressant d'utiliser l'idée de cette chaleur accablante pour faire naître une tension de plus en plus pesante entre les personnages. Et puis, comme il s'agissait d'un milieu ouvrier, j'ai pensé qu'il pourrait être intéressant de centrer le récit sur un personnage de syndicaliste qui, par essence, se situe forcément entre le camp des patrons et celui des ouvriers. Enfin, l'été 1976 nous permettait d'évoquer l'affaire Ranucci et la question de la peine de mort. Et comme cette question rejoignait aussi, via Badinter et l'abolition de 1981, celle de l'élection de Mitterrand, ça nous a permis d'affiner la réflexion sur les idéaux des personnages (le récit se situe peu de temps après l'échec de Mitterrand à la présidentielle de 1974 et cinq ans avant son succès de 1981 ; on est donc dans une sorte de "temps mort").

    Comment vous êtes-vous imprégnés de la France de cette époque ? Avez-vous fait un gros travail de documentation ?

    Cédric : Je pense qu'on avait grosso modo les mêmes références, un mélange de souvenirs personnels (assez vagues, tout de même), d'histoires familiales (photos, etc) et d'images issues de films de cette époque. Raphaël a beaucoup puisé dans les films de Claude Sautet, notamment… 

    Raphaël, comment voyais-tu, graphiquement parlant, cette époque ?

    Raphaël : J'ai d'abord eu des sortes de flashs. Des images de types, avec cheveux longs et moustaches, qui couraient sur un terrain de football avec un maillot vert, mais aussi des voitures, des objets, des couleurs, des visages, bref, plein d'éléments en vrac qui sortaient de mon inconscient et qui m'ont servi de point d'ancrage. Ensuite, comme le disait Cédric, j'ai puisé dans des photos de famille et me suis référencé aux films de l'époque.

    Si je vois On Dirait Le Sud comme un roman-photo social et une chronique humaine en pleine chrysalide, vous approuvez ou contestez ?

    Cédric : Chacun sa lecture… En ce qui me concerne, j'évoquerais plutôt une chronique familiale sur fond de crise sociale et idéologique. Et je pense que le récit se focalise aussi beaucoup sur la canicule, et l'idée que chacun peut se faire de l'été, au sens large.

    Le scénario, a-t-il beaucoup changé dans les trois années qui ont séparé les deux tomes ?

    Cédric : Le scénario du second tome ? Non, il a très peu changé. Je crois qu'il n'y a qu'une scène qui a bougé un peu dans la séquence de l'orage. Quelques dialogues ont aussi été modifiés ou ajoutés, ici ou là. Mais on parle vraiment de retouches… En fait, dès le départ nous avons pensé cette histoire comme un tout. Nous avions même l'intention de réaliser un one-shot… Beaucoup de scènes du tome 2, et notamment la toute fin de l'album, étaient déjà plus ou moins prêtes lorsque j'ai commencé à écrire le tome 1 en 2003. Le scénario du tome 2 a été achevé en novembre ou décembre 2009 et Raphaël avait déjà entamé les crayonnés de "La Fin des Coccinelles" lorsque nous avons sorti le premier album. Après, tout ce que je peux dire c'est que le scénario du second tome ressemble très précisément à ce que nous recherchions depuis le début. Raphaël a travaillé sur les planches pendant trois ans et nous avons vraiment eu le temps de relire ce récit et de l'envisager sous toutes les coutures. Donc, si nous n'y avons rien changé, c'est parce qu'il nous convenait très bien.

    Cédric, comment t’est venue cette incroyable galerie de personnages ? Lequel d’entre eux a été le plus simple et le plus difficile à concevoir sans tomber dans la caricature ?

    Cédric : Les personnages sont tous venus un peu différemment. Max Plume s'est construit sur un jeu de mots que je voulais faire sur son nom ("Désolé, mais vous ne faîtes pas le poids, Monsieur Plume.")… Celui du chef des gendarmes, avec son délire sur les enfants disparus, est venu en quelques secondes, lorsque je travaillais sur la scène de l'étang. Celui de Claude était plus difficile, car c'est un taiseux. Il se construit dans son rapport aux autres et notamment avec la petite fille. Evidemment, Luce était aussi très importante… Les deux sœurs se sont construites en opposition l'une à l'autre. Sylvia est très seule (un peu plus que les autres, en toute cas), mais elle a une vraie réflexion intérieure, alors que Marie semble plus superficielle, mais aussi plus sociable… Il n'y pas de règle, en fait. Je crois qu'il y a des moments où certains détails émergent et permettent de fixer, de "reconnaître" un personnage. Ensuite, il faut travailler pour développer cette idée et lui donner, disons, "du corps".   


    On Dirait Le Sud 2

    Si vous deviez-vous faire l’avocat du diable d’un des personnages ? Lequel serait-ce ?

    Cédric : Probablement Max Plume… Même si je n'ai pas forcément envie de le défendre. En tout cas, ce que j'aime bien avec ce personnage c'est qu'il n'est pas à sa place. Il est faible et sans conviction, alors que sa fonction exigerait plutôt l'inverse. C'est un imposteur, mais personne ne s'en est encore rendu compte… Et ce sont ses renoncements et ses lâchetés qui scandalisent le lecteur et lui donnent, a priori, envie de réagir.

    Raphaël, d’où te vient ton style graphique magnifique au demeurant ? Comment travailles-tu ? Peux-tu lâcher UN secret de ton savoir-faire ?

    Raphaël : En fait, il n'y a pas de secret. J'ai une technique très simple. Je travaille mes crayonnés sur papier, que je scanne et que je mets en couleur sur informatique, uniquement avec une brosse et des calques, comme j'aurais pu le faire à la peinture. J'utilise uniquement un effet de flou sur Photoshop pour donner l'impression de vitesse dans certaines scènes.

    L’art d’Edward Hopper semble avoir été une grosse influence pour ce projet, non ?

    Raphaël : Pas directement. Même si j'adore ce peintre, je pense qu'il m'a nourri comme beaucoup d'autres artistes. La spécificité de On dirait le Sud était que le lecteur devait ressentir une sensation de chaleur étouffante. C'est pourquoi j'ai travaillé comme je le faisais en illustration, avec une attention particulière sur les modelés, les couleurs et les lumières. Ensuite, il fallait que les images restent lisibles, j'ai donc simplifié les formes à la manière des cubistes, en tendant les lignes comme peuvent le faire Albert Gleizes ou Jean Metzinger.

    J’adore le rythme palpitant et cette tension progressive dans la narration. Quelles autres sensations vouliez-vous que le lecteur éprouve ?

    Cédric : C'est une histoire sur le sentiment de communauté, donc il était important de croiser un certain nombre de trajectoires individuelles afin de donner une dimension plus "collective" au récit. En plus, j'aime assez l'idée de jouer avec la tension ou les contrastes qui peuvent naître du croisement de ces différentes histoires. Cela peut amener des effets comiques, comme dans la scène du bar du premier album où une discussion sur une pomme et Joe Dassin croise un échange sur les licenciements à venir dans l'usine locale, mais cela peut aussi créer une certaine distance et permettre de relativiser certains événements de la vie des personnages. Et puis, je pense aussi que cela correspond à une description réaliste du quotidien, où les destins individuels se croisent et s'entrechoquent en permanence. Enfin, là j'enfonce une porte ouverte… 

    Au regard de la multitude des pistes narratives de ce diptyque, on sent que vous auriez pu en faire une trilogie. Pourquoi avoir choisi de tout dire en deux tomes ?

    Cédric : Oui, c'est vrai que la matière narrative est riche et qu'elle aurait pu être développée sur trois tomes… En fait, pendant longtemps, nous avons pensé pouvoir réaliser un one-shot de 80-90 pages. Et puis, en écrivant le scénario du tome 1 j'ai compris que le récit allait sûrement devoir s'étaler sur plus de cent pages. Donc, comme nous pouvions difficilement présenter un one-shot de 100 pages couleurs (à l'époque, en 2006, c'était moins en vogue), nous avons opté pour le diptyque. Dramatiquement, cette construction en deux parties me convient très bien, puisqu'elle me permet de jouer sur des effets miroirs (certaines se répondent, d'un album à l'autre) et d'accentuer certaines ambiances (le tome 2 est plus sombre que le premier, ce qui était sous-jacent ou inconscient, finit par éclater au grand jour, etc). En trois tomes, la construction aurait sans doute été moins tendue et moins dramatique…

    Cette France d'il y a presque 40 ans sous microscope, la chanson de Nino Ferrer en bande-son, à quel niveau pensez-vous que la nostalgie joue un rôle dans ce diptyque ? 

    Cédric : Si, par nostalgie, vous entendez l'idéalisation d'une époque révolue ou l'ambition un peu folle de revivre le passé, je dirais qu'il n'y en a pas dans cette histoire. En tout cas, pas pour nous… Bien sûr, On dirait le Sud s'inscrit dans une époque lointaine et décrite avec une certaine précision, mais je crois que ce n'est pas l'aspect le plus important de ce récit. J'aurais même tendance à penser que cette histoire est beaucoup plus intemporelle qu'on l'imagine, a priori. Par exemple, l'idée du temps qui dure "plus longtemps" lorsque l'on est enfant est très répandue, finalement, et tout le monde peut s'y retrouver. Mais elle n'est pas spécifique aux années 70. La façon dont on aborde le passage du temps est toujours différente selon que l'on est enfant ou adulte. C'était vrai dans les années 70, ça l'était probablement déjà dans les années 20 et ça l'est, de toute façon, encore aujourd'hui. Donc je dirais plutôt que notre réflexion porte plus sur la vie en général que sur cette période en particulier. C'est pour ça que je pense qu'il n'y a pas vraiment de nostalgie… Mais rien n'empêche nos lecteurs de regarder cette époque avec leur propre sentiment nostalgique.

    Pensez-vous que la France 2013 est si différente de celle de 1976 ? Personnellement, je serais tenté de répondre par la négative...

    Cédric : Dans les rapports humains, non, évidemment. Mais à l'intérieur de l'entreprise ou dans la réflexion politique globale, oui, je pense. Déjà, il me semble que le simple fait que des gens comme Le Pen ou Sarkozy aient pu trouver une audience attentive chez les ouvriers est vraiment le signe d'un effondrement de la pensée et de l'engagement politique dans ce milieu. Comment un ouvrier peut-il imaginer que Sarkozy ou Le Pen aient réellement l'ambition ou le projet de servir ses intérêts ? Ça me dépasse complètement… En tout cas, je pense que ce renoncement politique et cet effondrement de la pensée ont considérablement déséquilibré les rapports de force à l'intérieur de l'entreprise. Certains patrons y ont gagné un pouvoir encore plus fort. Et beaucoup d'entre eux utilisent ce pouvoir accru pour mettre encore plus de violence dans les rapports qu'ils entretiennent avec le reste des forces vives de leur entreprise. La situation est très malsaine et ne donnera rien de bon.

    Croyez-vous que le syndicalisme commence à prendre un virage particulier sous la France de Giscard ?

    Cédric : Ouh là, je ne suis pas historien du syndicalisme, loin de là… Je ne sais pas si c'est vraiment lié au giscardisme. C'est Mitterrand qui a atomisé le PC, non ? Et puis, la société a beaucoup changé… Je pense que les changements de mentalité sont nés dans les années 80 et qu'ensuite ils ont accompagné l'ascension du FN et de Sarkozy dans le paysage politique français…

    A quoi aurait ressemblé la France si Michel Sardou, au lieu d’être en chanteur extrêmement populaire, avait été Président de la République ?

    Cédric : Sardou président ? Ça aurait été la guerre civile, non ? Voire la guerre tout court si l'on pense à des chansons comme "Les Ricains" ou au fameux "Temps des colonies"… Bien sûr, dans notre album, l'allusion à Sardou est avant tout une blague, mais il est vrai qu'il y a aussi un fond idéologique. Déjà parce que Sardou est quand même l'un des représentants de cette droite populiste et réactionnaire qui fait toute la fierté de la connerie française, et ensuite parce que "Je suis pour" est vraiment l'une des chansons les plus épouvantables que je connaisse. Je n'arrive toujours pas à comprendre comment des radios ont pu accepter de diffuser un tel plaidoyer pour la peine de mort et un disque dans lequel sont prononcées des phrases comme  "J'aurai ta mort !" ou "J'aurai ta tête en haut d'un mât". Vous imaginez le tollé si un rappeur, quel qu'il soit, avait chanté des trucs pareils ?

    Nino Ferrer, c’est l’exact opposé de Michel Sardou ?

    Cédric : L'opposé, peut-être pas totalement, mais c'est très bien, en tout cas ! Non, en fait, je crois que Ferrer et Sardou sont surtout là pour ancrer le récit dans une forme de culture populaire française qui est, certes, liée aux années 70, mais qui a aussi une valeur intemporelle. C'est vrai pour "Le Sud", bien sûr, car c'est une chanson magnifique, magique, et qui traverse le temps avec une majesté incroyable, mais ça l'est aussi pour certaines chansons de Sardou qui, quoiqu'on en pense, sont quand même gravées dans l'inconscient collectif. Après, pour en revenir au "Sud" et donc au titre de l'album, je dirais aussi que, pour nous, il s'agit d'une allusion à la chaleur, bien sûr, mais aussi aux illusions que les personnages ont en tête. Le gendarme croit qu'il peut retrouver ici, dans le centre de la France, les victimes d'un tueur qui sévit dans le sud, et la population vit avec l'angoisse que font naître toutes ces disparitions ("La France a peur", comme disait Roger Gicquel). Et puis, il y a cette idée de la perception du temps ("Le temps dure longtemps…")  qui, selon moi, évoque aussi bien l'été (les journées plus longues, etc) que l'enfance. 

    Qu’est-ce qu’évoque pour vous l’Affaire Christian Ranucci qui tient ici une place importante dans le scénario ?

    Cédric : Disons qu'au-delà de l'injustice flagrante, puisque Ranucci n'était visiblement pas coupable dans l'affaire du "pull-over rouge", cette histoire nous permet surtout d'évoquer la question de la peine de mort et, donc, de son abolition. Or comme celle-ci est aussi associée au mitterrandisme et à l'arrivée de la Gauche au pouvoir, je trouvais que ça cadrait bien avec notre propos. Pour moi, l'abolition de la peine de mort correspond vraiment au passage d'un monde ancien et barbare à, disons, une forme de civilisation. Il n'est, d'ailleurs, pas étonnant que Sarkozy ait envisagé, dans certains discours, la possibilité de revenir sur cette abolition et de réinstaurer la peine de mort "dans certains cas". On voit bien que l'éveil des consciences n'est pas son souci principal… 

    A l’image d’autres destinées dans le livre, laisse-t-elle supposer que les boucs-émissaires font de bons salauds mais que les vraies pourritures s’en tirent toujours ?

    Cédric : J'espère que non. Mais, sinon, oui, je pense que la vie est globalement injuste. Et donc qu'une bonne injustice permet de rendre plus crédible, ou plus réaliste, le récit. En fait, l'injustice sonne "juste". Hum…

    Qu’est-ce que les coccinelles incarnent ici quand on sait qu’elles sont magnifiques, qu’on les appelle les bêtes à bon Dieu et qu’elles sont capables de se goinfrer de pucerons…

    Cédric : L'évocation des coccinelles est venue de quelques témoignages de personnes qui se souvenaient d'en avoir vues beaucoup pendant l'été 1976. Il paraît qu'elles accompagnent souvent les grandes vagues de chaleur… En ce qui me concerne, je les utilise surtout comme une métaphore de l'idéologie communiste, ou de l'engagement à gauche. Mais c'est très personnel… 

    Comment ressort-on d’une telle aventure lorsqu’elle occupe un tel pan de votre vie ?

    Cédric : Ben, pour nous, c'est presque une aventure de dix ans. Donc, oui, forcément, ça laisse des traces… Après, je crois qu'on ne peut pas encore se détacher de cette histoire, car on a beaucoup de choses à voir avec l'éditeur. L'indisponibilité du tome 1 est un vrai souci. Là, on revient d'une longue tournée de dédicaces et personne ne comprend… Les libraires, les lecteurs, les auteurs, tout le monde s'interroge.


    Quels sont vos futurs projets ? Avez-vous d’autres projets en commun ?

    Cédric : On travaille actuellement sur un projet de polar qui se situe dans les années 60. On en discute depuis un moment et je pense qu'on devrait le présenter d'ici quelques mois. On veut que cette histoire se limite à un seul tome de 80 ou 90 pages. Et elle ne paraîtra pas chez Delcourt.

    La première année très pluvieuse du quinquennat de François Hollande, pourrait-elle vous inspirer… ?

    Cédric : Non, je pense qu'on n'y voit pas assez clair. On est encore dans l'après-Sarkozy. Le changement n'est pas pour tout de suite, visiblement…


    Un chaleureux et radieux MERCI à Raphaël Gauthey (ici à gauche), à Cédric Rassat (ici à droite) ainsi qu'à l'incontournable Simon.

     


  • Dédicace Eric VEILLE & Pauline MARTIN samedi 29 juin

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  • Chut Monsieur dragon ! (Benoit Broyart et Laurent Richard) - chronique de Simon #135

    CHUT MONSIEUR DRAGON !

    Benoît Broyart & Laurent Richard

    Poche benjamin, Milan - 4,99 €

     

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    Monsieur Dragon est un pianiste reconnu dans le monde entier. Il joue à Paris, à New York et même à New Delhi. Pourtant, quand il se met à répéter dans son appartement, ses voisins se succèdent pour lui demander d’arrêter ce raffut ! Comment leur expliquer que ce n’est pas du bruit mais de la grande musique ?

    Chut monsieur Dragon est un roman pour les plus jeunes très sympathique, sur un thème assez peu développé, la musique classique, qui pourra inciter peut-être quelques vocations.

     

  • Arrive un vagabond (Robert Goolirck) - chronique de Fabien

    ARRIVE UN VAGABOND

    Robert Goolrick

    Anne Carrière - 21.50 €

     

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    On avait découvert Robert Goolrick avec Féroces, où il revenait avec un ton vénéneux et faussement joyeux, sur son enfance et sur sa famille alcoolique et ratée.

    Arrive un vagabond, c’est un peu un J’irai cracher sur vos tombes à l’américaine, sauf qu'on enlève le côté trop sombre de Sullivan/Vian et qu'on le remplace par une histoire d’amour.
    Charlie Beale arrive dans une petite ville de Virginie en 1948, avec ses 2 valises. L’une est remplie d’argent et l’autre pleine de ses couteaux de boucher. Nomade sans histoire, il fonce à la boucherie du village et propose ses services. S’achetant un bout de terre, il commence à sympathiser avec son patron et particulièrement avec le fils ce de celui-ci, qu'il va traiter un peu comme son propre fils.

    Et puis un jour, une jeune fille, Sylvan Glass, mariée à un riche propriétaire cul-terreux, pousse la porte de la boucherie…

     

    Arrive un vagabond est un livre dont la pression monte au fur et à mesure des pages, sur fond de village paumé. On peut même y imaginer la meule de foin traversant la route principale... Goolrick  nous plonge dans les yeux de Charlie pour ensuite nous mettre a la place de Sam, avec toute son innocence. On y croise les notions de l’époque, la religion, le mariage forcé, la pauvreté. Et tous ces principes vont être remis en cause par notre héros.

  • Sweet Sixteen (Annelise Heurtier) - chronique de Camille #04

    SWEET SIXTEEN

    Annelise Heurtier
    Casterman - 12 euros

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    "Molly se réveilla en sursaut.
    En bas. Le choc venait d'en bas. Un horrible bruit de verre brisé.
    Ça y est, ils avaient mis leurs menaces à exécution.
    […]
    Le souffle court, les deux femmes déboulèrent en trombe dans le salon.
    Face à la baie vitrée, Shiri leur tournait le dos.
    L'espace d'un instant, Molly l'imagina tomber en arrière, la poitrine écarlate. Elle se coucherait sur elle et hurlerait dans l'odeur tiède et métallique de son sang. Puis elle la vit. À travers le trou de la fenêtre, à l'extérieur, sur la pelouse. Léchée d'immenses flammes, une grande croix du Ku Klux Klan."

    Voilà un moment que j'avais envie de chroniquer ce livre pour ados, sans trouver le moment idéal pour m'y mettre. Mais hop, voici une chronique avec pas mal de lecture !
    Ce récit inspiré de faits réels se déroule en 1957 dans une petite ville en Arkansas. Le prestigieux lycée central de Little Rock décide d'ouvrir ses portes à neuf adolescents noirs, parmi lesquels se trouve Molly, l'une des narratrices. A l'époque, la ségrégation bat son plein et les noirs sont extrêmement mal perçus, ainsi que toutes les personnes qui les soutiennent.
    Sweet Sixteen est un roman choral. Molly nous raconte son quotidien, son choix de faire partie des volontaires pour cette expérience extrêmement risquée, tandis que Grace, une adolescente blanche,
    d'abord hostile à ce projet, va progressivement changer d'avis sur la question, alors qu'elle est entourée par des personnes très conservatrices. Les chapitres alternent les voix des deux jeunes filles, qui nous racontent la ségrégation sur fond de rêves d'adolescentes. L'écriture est fluide et agréable, le lecteur est vite entraîné dans le tourbillon des évènements et se laisse aisément embarquer dans les pensées des deux protagonistes. On suit d'abord le cheminement de Molly, sa décision de tenter l'expérience, la discrimination à laquelle elle doit dès le début faire face. Elle vit dans une famille très unie qui, malgré la peur, la soutient jusqu'au bout du roman. Grace, quant à elle, ne se sent guère concernée par le sujet, même si elle a tendance à suivre l'opinion de ses amies très impliquées dans le maintien de la ségrégation.
    Au fur et à mesure du roman, au contact des neuf élèves noirs et plus spécialement de Molly, elle va se poser des questions sur la différence et progressivement réviser son jugement en constatant de nombreuses incohérences entre ce qui est dit sur les noirs et la réalité.
    Le plus impressionnant dans ce livre est probablement la manière dont est décrite la violence. Elle apparaît de manière croissante, d'abord insidieuse lorsque Molly se voit refuser l'achat de lait par l'épicier, puis beaucoup plus visible lors de l'entrée au lycée. C'est une véritable haine des noirs qui
    est montrée ici et de nombreuses scènes sont tout simplement effarantes, la violence atteint un tel
    extrême que des militaires sont chargés de protéger les étudiants noirs dans l'enceinte de l'école. Molly doit faire face aux injures et à l'humiliation quotidienne, à l'acharnement des blancs, à la peur surtout. Chacun des neuf est poussé à bout, certains abandonnent, d'autres sont pris au piège, et Molly est régulièrement en proie aux doutes. Elle peut heureusement compter sur un groupe de résistance mené par Maxene Tate qui lutte pour la reconnaissance des noirs et contre le Ku Klux Klan, organisation qui menace toutes les personnes apportant un soutien aux noirs.

    Si le sujet traité est difficile, l'ensemble est néanmoins allégé par des préoccupations d'adolescentes, de la manière dont on doit s'habiller pour la prochaine sortie au bowling au sourire échangé avec cet
    inconnu au lycée...

    Un très bon roman !

  • Dédicace de RASSAT et GAUTHEY pour leur BD "On dirait le sud" - jeudi 06 juin 14h30

    affiche on dirait le sudpsd copie.jpg

    « » et en effet, c’est une étrange sensation de temps suspendu qui plane sur ce pOn dirait le sud, le temps dure longtempsremier épisode de la série de Rassat et Gauthey, « une piscine pour l’été ».Un état d’apesanteur généré par la canicule qui plombe la France de 1976. Dans un village méridional, un syndicaliste intègre et ambigu, des membres d’une famille en décomposition, patrons et ouvriers se croisent. En toile de fond, la ronde quotidienne des hélicoptères et d’inexplicables disparitions d’enfants pouvant faire écho à l’affaire Ranucci, tollé politique qui annoncera la fin de la peine de mort. Cette chronique sociale et familiale nous replonge dans une période charnière qui laisse derrière elle les illusions du système libéral et qui annonce la fin des trente glorieuses. Une atmosphère étouffante restituée par le magnifique dessin de Gauthey qui n’est pas sans rappeler le réalisme des toiles de Hopper, où les lignes fortes tendent à montrer la profondeur psychologique des sujets.

  • Les lectures de Simon au Théâtre c'est mercredi 05 juin à 17H

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  • Interview d'Emmanuel LEPAGE par l'excellent blog ami "I am a lungfish Song"

    EMMANUEL LEPAGE

    « Car le beau n’est rien que ce commencement du Terrible que nous supportons encore, et si nous l’admirons, c’est qu’il dédaigne, indifférent, de nous détruire. Tout ange est terrifiant. » En citant Rainer Maria Rilke en ouverture de Un Printemps A Tchernobyl (Futuropolis), Emmanuel Lepage sait qu’il a côtoyé là-bas le terrifiant et le beau. En 165 pages, il raconte sa bouleversante expérience en Ukraine dans une bande dessinée documentaire exceptionnelle. Au lendemain du vingt-septième anniversaire de la plus grande catastrophe nucléaire, rencontre avec l’un des artistes les plus doués de sa génération. (chRisA - mai2013)


    Un Printemps A Tchernobyl 1

    Aux lecteurs qui ne vous connaissent pas ou peu, pouvez-vous présenter l'artiste que vous êtes? Ce vers quoi il tend? Pouvez-vous aussi parler de l'homme que vous êtes?

    Je suis auteur de bande dessinée depuis maintenant plus de vingt-cinq ans. J'ai longtemps travaillé en collaboration avec des scénaristes avant de passer voici un peu plus d'une dizaine d'années maintenant à la création de mes propres histoires. J’ai toujours été plus attiré par des fictions contemporaines, la vie intérieure de mes personnages était le plus souvent le moteur de l’histoire. Très inspiré par la littérature sud-américaine et par ce que l’on appelle le Réalisme Magique, j’aime raconter des histoires qui ont une dimension fantastique ou poétique que ce soit dans le propos ou le dessin. J'aime raconter la complexité de l'être, hésitant entre ce qu’il est et celui qu’il voudrait être. L'humain est au cœur de mes préoccupations tout autant dans les fictions que dans mes bandes dessinées dites plus 'documentaires'.

    Depuis Voyage aux îles de la Désolation, vous semblez prendre un énorme plaisir à vous 'spécialiser' dans la bande dessinée documentaire. Pourquoi cette nouvelle orientation dans votre parcours artistique? Quel espace ce format vous offre-t-il?

    Je suis venu à cette forme un peu par hasard. Je n’imaginais pas que je puisse m’orienter dans cette voie. Quand on m’a proposé de participer à l’élaboration d’un projet pour monter à bord du navire ravitailleur des terres australes et antarctiques françaises, je vous avoue que je n’y croyais pas. Je pensais à l’origine faire un carnet de voyage à l’issue de ce périple, mais mon éditeur, Claude Gendrot, avec qui je travaille depuis plus de quinze ans m'a suggéré plutôt d’en faire une bande dessinée. J'avais besoin d’une promesse de publication pour embarquer. J'ai dit oui, plus par désir de partir que par désir de faire une bande dessinée documentaire! C’est à la suite de mon voyage face à cette somme de croquis de voyage réalisés à bord, puis d'illustrations faites à mon retour avant tout pour le plaisir de ‘fixer des visions’, que je me suis interrogé sur la façon d'organiser tout cela. Je m’y suis mis sans bien savoir ce que je faisais. J’avais le sentiment d'inventer une nouvelle forme narrative, réunissant, dans un même livre, tout ce que j'aime faire : croquis de voyage, bande dessinée, illustrations. Il y eut une très grande part d'improvisation et le livre se construisait au fur et à mesure. A l’inverse de mes autres livres, les images ont précédé le texte, ce sont elles qui ont organisé le récit. J’ai fait ce livre, dans un état de grâce, très vite, avec un énorme plaisir. Chaque jour, j’essayais de rendre cohérent ce chaos invraisemblable. 

    Comment vous situez-vous par rapport aux travaux d'autres auteurs comme Joe Sacco, Guy Delisle et Philippe Squarzoni par exemple?

    J’apprécie beaucoup les travaux des uns et des autres, je me retrouve parfois dans leur façon de se mettre en scène. Ceci dit, je crois que nos approches du récit en bande dessinée sont très différentes les unes des autres et que le seul point commun est de s'inspirer du réel et d'expériences vécues pour construire nos histoires. Je crois que la différence notable entre ces travaux que vous citez et le mien est la place que je donne au dessin et à son pouvoir évocateur. Je revendique fortement la part magique que peut avoir le dessin dans un récit et je pense voir le monde par ce biais.

    Pour vous, le documentaire sous-entend-t-il nécessairement une forme d'engagement? Si oui, comment définiriez-vous votre engagement?

    Je ne sais pas si je peux à proprement parler d'engagement. Disons plutôt que j'essaie de dire les choses le plus honnêtement possible en précisant clairement d'où je parle (quelle est mon histoire, le milieu d’où je viens, mes envies, mes rêves, mon engagement...) Que le lecteur comprenne que je ne détiens aucune vérité et que le point de vue est tout à fait personnel. Que ce soit dans la fiction ou dans un récit inspiré du réel, je crois que les thèmes développés sont souvent les mêmes, car c'est à cela que je suis attentif. Comme je le disais plus haut, j’aime dire la complexité des êtres et du monde, car c’est là que, pour moi, se situe l'humanité. La question du ‘point de vue d’où l’on parle’ est essentielle pour moi. Par ‘qui’ est vu l’histoire.

    Cinq ans, jour pour jour, après votre séjour à Tchernobyl, que ressentez-vous encore aujourd'hui? Le lecteur peut ressentir combien cette expérience vous a marqué. Quels sont les sentiments qui se sont estompés et ceux qui sont encore très vivaces?

    Je suis bien sûr toujours très sensible à ce qu’il s’est passé pendant ces quelques semaines en Ukraine au pied de la centrale de Tchernobyl. De revenir sur ces événements quatre ans après les avoir vécus, m’a demandé de renouer des fils un peu épars...mais, petit à petit, la mémoire m'est revenu. Les dessins y ont beaucoup contribué, ainsi que les notes nombreuses prises à l’époque. Je reste toujours sensible à la beauté de ces gens rencontrés dans ce village, la convivialité de notre maison lorsque nous dessinions tous ensemble dans cette belle lumière blanche du printemps. Je garde le souvenir aussi du silence de Pripiat, de l'angoisse à dessiner au pied de la centrale. Le bruit omniprésent du compteur. 

    Avez-vous encore des contacts avec les personnes que vous avez rencontrées là-bas?

    Je n'ai plus de contact avec les habitants de Volodarka, mais ils ont vu le premier ouvrage, Les Fleurs de Tchernobyl , que nous avions publié à l’issue de ce voyage et qui était l’objectif de l'association au sein de laquelle nous sommes partis. Par contre, j’ai renoué contact avec Pascal et Morgan, ainsi qu’avec Ania, notre guide, au cours de la réalisation de l’album. Quand à Gildas, il reste un ami précieux que j'ai découvert au cours de ce séjour. Nous nous voyons régulièrement puisque nous sommes voisins.


    Un Printemps A Tchernobyl 2

    Vous écrivez page 112 "Mon dessin ne dit rien du réel". Est-ce que ce constat vous a beaucoup perturbé dans votre fonction et votre regard d'artiste?

    J’ai cherché des 'signes’ tout au long de mon séjour. Quelque chose qui me dise l’horreur de cette réalité, un signe tangible. J’ai interrogé les personnes rencontrées, visité les cimetières, cherché ces ‘monstres’... Je n'ai compris que petit à petit que le terrible se cachait dans l’implicite, le silence des sens. C’est, je crois, cet abîme entre ce que je sais et ce que je vois, qui m’a convaincu de prolonger ce voyage et ce premier carnet de croquis dans une bande dessinée.

    Quelles convictions politiques, philosophiques et artistiques cette expérience a renforcé et a aussi transformé en vous?

    Partir à Tchernobyl n'est pas anodin. Je suis allé là-bas dans une démarche militante, puisqu’il s'agissait de ramener un carnet qui serait vendu au profit des enfants contaminés. Dominique, le président des Dessinacteurs, cette association dont je faisais partie et qui nous a proposé ce voyage, est lui très clairement engagé dans le combat contre le nucléaire et réalise régulièrement des dessins dans ce sens. Je voulais mettre mon dessin au service d'une cause que je croyais juste. Ce carnet devait être distribué et vendu par les membres de l'association et par le réseau Sortir Du Nucléaire. Il s’est avéré que la confrontation au réel a changé la donne et il ne fut pas simple de ‘justifier’ les dessins que nous ramenions, ni le refus de faire du carnet de croquis un livre qui allait dans le sens présumé de ce qu’attendaient les souscripteurs de ce projet. Nous avons été tiraillés entre ce pour quoi nous avions été ‘mandatés’, et ce qui nous semblait être d'une démarche intime et artistique. Nous avons d’abord cherché à être ‘juste’. Le débat sur le nucléaire est passionnel et il est très difficile d’avoir une réflexion adulte et raisonnée. Dire que le nucléaire est sans danger et que ceux qui sont contre prônent un ‘retour à la bougie’ est idiot et contreproductif. Dire que les pro-nucléaires sont inconscients ou vendu à Areva, n’est pas toujours juste non plus. J’aimerais une réflexion adulte sur ce sujet essentiel pour notre avenir, plutôt que cette infantilisation. On cherche le plus souvent plutôt à rassurer qu’à informer. Comme à des enfants. Il faut entendre les discours autour de la catastrophe de Fukushima qui étaient identiques à ceux entendus vingt-cinq ans avant. On ne semble rien apprendre du passé. Sortir du nucléaire impliquerait de revoir de fond en comble notre façon de vivre, une vraie réflexion sociétale, une forte responsabilisation. Quelle société voulons-nous, quels choix sommes-nous prêts à faire ?Il y aurait là un chantier passionnant à mener...mais je crains que nous en soyons loin. Le déni reste de règle et les lobbies très puissants.

    Vous avez beaucoup recours aux portraits. Pourquoi sont-ils à vos yeux si importants?

    Faire un portrait est un moment privilégié, voire magique. Il y a une intimité qui se créée d’emblée entre le dessinateur et le portraituré. C’est un moment où des choses se disent et qui influent sur le dessin. C’est surtout ma façon de dire que tout est humain.

    Sur chaque lieu, vous avez toujours votre matériel sur vous. Dans le feu de l'action, comment faites-vous pour dessiner, croquer, esquisser aussi vite et aussi justement?

    L’intérêt du croquis de voyage est d’être fait sur place, sur les lieux mêmes, face au sujet représenté. Je dois dire que tous les dessins ne sont pas finis sur place, car pris dans l’urgence ou dépendant d'un groupe, je n'ai pas toujours le temps d'achever le dessin au moment même. J'en fais parfois juste le bâti et l'achève le soir au calme, ou pendant le temps du voyage, me basant le plus souvent sur le souvenir, l’émotion. Dans notre maison, à Volodarka, Gildas et moi terminions des dessins entamés sur le terrain. Par contre, je suis incapable de terminer un dessin une fois rentré chez moi et pris dans d'autres choses plus quotidiennes. Bien sûr, il est difficile de tous les terminer au cours du voyage et nombres restent à l’état d’ébauche. Les portraits eux, sans exception, sont tous terminés dans l’instant et signés par la personne ‘croquée’ comme pour imprimatur! 

    Vous utilisez beaucoup de techniques différentes. En fonction des circonstances et de votre inspiration, comment décidez-vous d'utiliser une technique plutôt qu'une autre?

    C’est toujours dans l’instant que ça se décide, en fonction du temps et du matériel que j'ai à ce moment-là. J’essaie le plus souvent possible d'avoir le plus d'outils et de matériel pour me laisser cette amplitude. Ce n’est pas toujours le cas. Le plus souvent le matériel réduit à un carnet, un pinceau, un crayon et une toute petite boîte d’aquarelle, de manière à ce que tout tienne dans la poche.

    Votre œil est souvent celui du photographe. En quoi, pour vous, le dessin et la peinture sont-ils très différents de la photographie?

    Le dessin de voyage a ceci de particulier qu’il n’est pas la représentation d'un instant T comme la photographie, mais de la synthèse de plusieurs moments dans un même dessin. Le dessin de voyage demande du temps que l’on n’a pas toujours. Le temps limité implique que l’on aille à l’essentiel, que l'on recompose parfois ce que l’on voit. Tout ça de manière à être le plus proche de la réflexion ou de l'émotion que suscite le sujet représenté. Dessiner, c’est penser. 

    Les couleurs sont primordiales dans votre travail. Que vouliez-vous leur faire dire dans cet album? En termes de couleurs, quels artistes, quels peintres vous ont / et continuent à beaucoup vous influencer?

    J'ai voulu faire venir la couleur progressivement dans l’histoire de façon narrative. Je voulais qu'elle traduise cette vie qui, petit à petit, va s'imposer à moi alors que je m'attendais à trouver des terres sinistres, noires, des terres où rode la mort. J’ai été, je crois, beaucoup intéressé par des peintres ou dessinateurs de la nuit tels Le Caravage ou Georges De la Tour, des peintres romantiques du XIXe aussi pour leur représentation des éléments tels que Turner, Hugo, Caspar David Friedrich, Ivan Aïvasovsky, Delacroix ... Des aquarellistes comme David Roberts, Sargent, Laarson... Mais dire cela, c'est en oublier pleins d'autres qui, tout autant, m’ont influencé et nourri. J'aime regarder des images, j'aime comprendre les démarches des autres parce que je sais que ça me nourrit, me fait avancer et m'aide à garder les yeux ouverts.

    Personne n'avait jamais donné autant de couleurs à Tchernobyl. Comment expliquez-vous cela?

    Parce que peut être on se fait une idée ‘a priori’ de ce qu’on va y trouver et que l'on colle cette image sur les représentations… La mort ne peut se représenter qu’en noir et blanc? Telle est en tout cas l’idée que je m'en faisais, puisque j'avais essentiellement amené des outils ‘sombres’ tels que encre noire, fusains, crayons noirs... 

    En quoi votre travail se démarque-t-il de toutes les autres œuvres qui ont abordé le sujet de Tchernobyl?

    Chaque livre est le reflet de celui qui l'écrit. Le mien me correspond et j'essaie de faire partager au lecteur mon point de vue sans jamais, du moins je l'espère, en dissimuler toute la subjectivité.

    Vous êtes allé à Tchernobyl en avril 2008 et votre livre est sorti en novembre 2012, pouvez-vous nous parler de ces quatre longues années d'accouchement?

    Une fois le carnet de croquis pour lequel nous avions été envoyés là-bas publié, je savais que je n’en resterai pas là quant à ce voyage. Plus de la moitié des dessins réalisés sur place n'avaient pas été publiés, et ce qui avait précédé et suivi ce séjour n’était pas évoqué. J’avais d'abord pensé à une fiction mais la forme m’a été donnée par mon précédent livre aux Îles Kerguelen. Sans celui-ci, Un Printemps à Tchernobyl n'aurait pas existé.


    Un Printemps A Tchernobyl 3

    Quelles relations entretenez-vous avec votre éditeur (Futuropolis)? En quoi vous aide-t-il pour de tels projets?

    J’entretiens d’excellentes relations tant amicales que professionnelles avec mon éditeur Claude Gendrot. Il est mon éditeur depuis La Terre Sans Mal chez Dupuis et je l'ai suivi quand il a été licencié de Dupuis par le groupe Média en 2006, en même temps que d'autres auteurs de Aire Libre, tels Lax, Jean-Pierre Gibrat, Étienne Davodeau, Frank Legall, Emmanuel Moynot, car nous soutenions son rapport au livre, à la création, son idée de l’édition. C’est un complice attentif et précieux qui me donne la confiance que je n'ai pas. C’est lui qui m’a poussé à écrire mes histoires, c’est lui aussi qui m’a suggéré de faire de mon voyage austral une bande dessinée. 

    Sur quel projet vous concentrez-vous aujourd'hui? Pouvez-vous nous en dire plus sur votre dernier long voyage en Antarctique?

    Je suis parti près de deux mois cet hiver en Antarctique suivre une mission polaire, en compagnie de mon frère, François, photographe. Nous avons comme projet d’en faire une bande dessinée qui associerait dessin et photos. Nous en sommes encore à préciser ce que ce sera, car au long de cette mission, rien ne se sera passé comme prévu. C’est à la demande de l’Institut Polaire et de son directeur, Yves Frénot, que nous sommes partis là-bas. L’idée étant de témoigner des missions polaires. 

    Est-ce que votre art contribue chaque jour à faire de vous un être différent?

    Pour moi, dessiner, raconter des histoires, c’est avant tout apprendre sur le monde, apprendre sur soi-même. Dessiner, c’est ma façon d'être au monde. Je grandis par mes livres et plus qu'être un bon dessinateur, dessiner c'est, pour moi, tâcher de devenir un être humain meilleur, c’est à dire plus juste. 

    Un immense et chaleureux merci à Emmanuel Lepage.



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  • M'LIRE était présent aux 3 ELEPHANTS !

    Simon pendant ses lectures "M'LIRE S'LA RACONTE aux 3 ELEPHANTS"

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  • EXPO FORET WOOD (José Parrondo & Olivier Douzou) pour célébrer les 20 ans du Rouergue

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  • Les arbres voyagent la nuit (Aude Le Corff) - chronique de Camille #03

     

    LES ARBRES VOYAGENT LA NUIT

    Aude LE CORFF

    Stock - 19€

     

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    « Manon semble lire dans ses pensées :

    - Alors, tu as emmené tes amoureuses sur la dune ?

    - Comment ? Euh, oui, certaines d'entre elles.

    - C'est mignon.

    Elle lui parle comme si c'était lui, le petit garçon.

    - Tu les as embrassées ?

    - Oui.

    - Vous aviez le vertige ?

    - Oui, pour différentes raisons !

    - Est-ce que vous pouviez toucher les nuages ?

    - Presque...

    - Les étoiles aussi, le soir ?

    - J'en ai rapporté plusieurs, dans mon sac à dos.

    Manon sourit à l'évocation de cette image. »

     

     

     

    Depuis que sa mère a quitté la maison en ne lui laissant qu'une lettre, Manon est devenue solitaire, parlant aux fourmis et aux chats, tandis que son père passe ses journées à attendre un signe de sa femme, sombrant dans la dépression et délaissant sa fille. La rencontre de la fillette avec Anatole, un professeur de français à la retraite, qui va l'apprivoiser en lui lisant Le Petit Prince va permettre à Manon de retrouver la joie de vivre et au vieillard un peu de compagnie et d'espoir. Autour de cette belle amitié se tissent les histoires de Pierre, le père de la fillette et de Sophie, sa tante. Ces quatre personnages décident alors de partir au Maroc pour retrouver Anaïs, la mère de la petite fille...

     

     

     

    Les arbres voyagent la nuit, c'est d'abord le récit d'une amitié, de deux êtres extrêmement seuls qui trouvent du réconfort et un peu de chaleur humaine en entretenant une relation simple et sincère.

     

    Grâce à tous ces existences qui s'entremêlent, Aude Le Corff aborde de nombreux thèmes dans ce premier roman : la relation enfant-vieillard bien sûr, mais aussi la dépression, la vie conjugale, tout en nous laissant voir comment la vieillesse est vécue par la société. Elle écrit sur les marginaux, les laissés pour compte. La lecture est fluide, les éléments de l'histoire se mettent en place progressivement et naturellement, tandis que le lecteur s'attache aisément aux personnages, présentés dans leur vulnérabilité, ce qui les rend plus touchants encore. Le Petit Prince fait office de guide tout au long du récit et l'histoire d'Anatole et Manon n'est pas sans rappeler celle du petit garçon et du renard.

     

     

     

    Les arbres voyagent la nuit, c'est un livre qui fait du bien ; positif et lumineux. C'est une histoire dans laquelle chacun tente de s'apprivoiser et de trouver sa place auprès des autres. Un joli roman de printemps pour les amoureux de la poésie (et les autres).

     

  • Rencontre avec Nine ANTICO samedi 27 avril 2013

    affiche nine antico.jpg

  • Frangine (Marion Brunet) - chronique de Camille #02

    FRANGINE
    Marion BRUNET
    Sarbacane, 14€90

     

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    « Je ne suis pas le héros, mais je suis

    Le bavardage et la digression
    L'oreille et les mots pour essayer de dire ce qui est à entendre, ce qui est à l'envi :
    Les désenchantements et les éclats de bruit

    En ces temps peu lointains où Pauline découvrait

    Le monde
    Le cruel
    Le normal
    et la guerre,

    ma mère et ma mère, chacune pour soi mais ensemble, vivaient de leur côté des heures délicates.

    C'est à moi qu'il revient de conter nos quatre chemins. Parce que j'aime ça, d'abord, dérouler les histoires comme on crée un langage ; et aussi pour que les choses soient claires, évidemment.

    Comment comprendre, sinon ? »

     

    Pauline et Joachim sont deux adolescents qui vivent avec leurs mères et mènent une existence
    relativement tranquille. Joachim est amoureux de Blandine et entame sa terminale, tandis que
    Pauline va entrer au lycée. La particularité de leur famille n'a jamais été un problème, jusqu'à ce que
    la discrète Pauline soit victime de harcèlement et perde pied.

    Frangine est un roman qui colle de près à l'actualité, puisqu'il s'agit de l'histoire d'une famille
    homoparentale qui est confrontée à l'homophobie et à l'ignorance d'une partie de la population,
    du fait de sa différence. Le sujet est abordé de manière délicate et les questions inhérentes à cette
    situation peu connue sont traitées à travers le regard des deux adolescents. Le roman se construit
    sur la relation de Joachim, le narrateur, et Pauline, sa petite sœur. C'est l'histoire d'une évolution,
    de comment se construire lorsqu'on est confronté au regard des autres, jugés pour ce que l'on n'a
    pas choisi, pour une situation que l'on vit parfaitement bien mais qui reste anormale aux yeux d'un
    certain nombre de personnes.

    L'intérêt de ce récit est de présenter plusieurs points de vue : le lecteur suit principalement
    l'existence de Joachim, ses questionnements amoureux, ses inquiétudes concernant sa sœur mais
    également la vie quotidienne de Julie et Maline, les deux mamans, leurs histoires respectives, les
    relations avec leurs parents... L'homoparentalité est au centre du récit mais Pauline et Joachim n'en
    restent pas moins des adolescents qui essaient de se construire, de s'affirmer et de trouver leur place dans le monde comme tous les jeunes.

    Frangine est un très joli récit, porté par une écriture légère et poétique et traitant avec simplicité
    d'un sujet rarement abordé en littérature jeunesse, au gré du quotidien de la famille, des souvenirs
    et des questionnements de chaque personnage. C'est un roman optimiste qui pose la question de
    la différence, du choix de vivre sa vie comme on l'entend et le mieux possible. Joachim, Pauline,
    Maline et Julie sont quatre personnages extrêmement attachants, finalement extrêmement banals
    et qui aspirent à la même tranquillité que n'importe quelle famille dite « traditionnelle ».